Agence France-Presse
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a repoussé vendredi le plan américain visant à mettre fin à près de quatre ans d'invasion russe et perçu à Kiev comme très favorable au Kremlin, assurant qu'il ne « trahira » pas son pays.
L'Ukraine pourrait être confrontée à un choix très difficile : la perte de dignité ou le risque de perdre un partenaire clé, les États-Unis, a-t-il déclaré dans une allocution vidéo à la nation.
Nous traversons l'un des moments les plus difficiles de notre histoire, a estimé Volodymyr Zelensky.
Des médias, dont l'AFP, ont publié ces propositions en 28 points soutenues par le président américain Donald Trump et qui demandent que Kiev cède des territoires occupés à la Russie, renonce à intégrer l'OTAN, réduise ses forces armées et organise des élections dans la foulée.
Les propositions américaines augurent une vie sans liberté, sans dignité, sans justice. Et qu'on croie à celui qui a déjà attaqué deux fois, a renchéri M. Zelensky, en référence à la Russie.
Je présenterai des arguments, je persuaderai, je proposerai des alternatives, a-t-il encore poursuivi, ajoutant : Je ne trahirai jamais [...] mon serment de fidélité à l'Ukraine.
Peu après, M. Zelensky s'est entretenu avec le vice-président américain, J.D. Vance, sur ce plan, a indiqué une source à la présidence ukrainienne, sans donner de détails sur le contenu de cette conversation.
Concertation avec les Européens
Le président ukrainien s'est également concerté d'urgence avec les dirigeants français, allemand et britannique, ses alliés clés face à Moscou et à Washington.
Nous travaillons sur le document préparé par la partie américaine pour assurer une paix réelle et digne pour l'Ukraine, a-t-il déclaré sur X à l'issue de l'entretien téléphonique avec Emmanuel Macron, Keir Starmer et Friedrich Merz.
Ces derniers ont lancé un appel à trouver une solution au conflit en Ukraine impliquant pleinement Kiev, et ont assuré que toute décision nécessitait le soutien conjoint et le consensus des Européens et de l'OTAN, a indiqué l'Élysée dans un communiqué.
Les Européens souhaitent que les forces armées ukrainiennes soient capables de défendre efficacement la souveraineté de l'Ukraine, a précisé la chancellerie allemande dans un communiqué.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a, lui, estimé que toute solution de paix pour l'Ukraine devrait respecter son intégrité territoriale, à la veille d'une réunion du G20 à Johannesburg.
Un responsable américain a déclaré jeudi que le plan proposé pour l'Ukraine comprenait des garanties de sécurité de la part de Washington et de ses alliés européens équivalentes à celles de l'OTAN en cas de future attaque, confirmant des informations de presse.
Selon ce plan, vu par l'AFP, Kiev devrait s'engager à ne jamais rejoindre l'OTAN et n'obtiendrait pas de déploiement de forces occidentales sur son sol, même si le plan prévoit des avions de combat européens en Pologne pour protéger le pays.
Concessions pour l'Ukraine
Le plan reprend plusieurs demandes formulées par le Kremlin de longue date et rejetées par Kiev auparavant.
Il prévoit que Kiev cède l'est du pays à Moscou et accepte l'occupation d'une partie du sud de l'Ukraine.
Les deux régions du bassin minier et industriel du Donbass, Donetsk et Lougansk, dans l'est, ainsi que la Crimée annexée en 2014, seraient reconnues de facto comme russes, y compris par les États-Unis, et Moscou recevrait d'autres territoires ukrainiens qui sont encore aujourd'hui sous le contrôle de Kiev.
La Russie verrait également son isolement à l'égard du monde occidental prendre fin avec sa réintégration au G8 et la levée progressive des sanctions, ainsi que son souhait d'éloigner à jamais Kiev de l'Alliance atlantique entériné dans la Constitution ukrainienne.
Kiev devrait limiter son armée à 600 000 militaires et se contenter d'une protection par des avions de combat européens basés en Pologne, tandis que l'OTAN s'engagerait à ne pas stationner de troupes en Ukraine.
L'Ukraine devrait encore organiser des élections sous 100 jours, un point qui fait ici encore écho aux revendications de Moscou, qui insiste sur la destitution du président Zelensky.
La Russie, dont les troupes continuent de revendiquer chaque semaine la prise de nouveaux villages le long de la ligne du front, a pressé le président ukrainien de négocier maintenant plutôt que de risquer de perdre davantage de territoire.
L'espace pour prendre des décisions pour lui se réduit à mesure qu'il perd des territoires, a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov lors de son breffage quotidien, auquel participait l'AFP.
À Kiev, le mot capitulation était vendredi dans toutes les bouches.
J'espère vraiment que la partie ukrainienne refusera de mettre en œuvre un tel accord, a déclaré à l'AFP Danylo Domsky, un étudiant de 18 ans.
Le plan peut servir de base à un règlement définitif, selon Poutine
Le président russe Vladimir Poutine a estimé vendredi que le plan proposé par les États-Unis pour l'Ukraine peut servir de base à un règlement définitif de la guerre, menaçant de conquérir plus de territoire si Kiev venait à le rejeter.
Il peut servir de base à un règlement pacifique définitif, mais ce plan n'est pas discuté avec nous de manière concrète.
Une citation deVladimir Poutine, président de la Russie
Nous sommes prêts à mener des négociations pacifiques et à résoudre les problèmes par des moyens pacifiques. Cependant, cela nécessite bien sûr une discussion approfondie de tous les détails du plan proposé. Nous y sommes prêts, a-t-il ajouté lors d'une réunion gouvernementale retransmise à la télévision.
Voici les 28 points du plan de Washington
1. La souveraineté de l'Ukraine sera confirmée.
2. Un accord global de non-agression sera conclu entre la Russie, l'Ukraine et l'Europe. Toutes les ambiguïtés laissées en suspens ces 30 dernières années seront considérées comme levées.
3. Il est attendu que la Russie n'envahisse pas les pays voisins et que l'OTAN ne s'élargisse pas davantage.
4. Un dialogue sera mené entre la Russie et l'OTAN, sous la médiation des États-Unis, pour résoudre toutes les questions liées à la sécurité et créer les conditions de la désescalade, afin d'assurer la sécurité mondiale et d'accroître les possibilités de coopération et de développement économique futur.
5. L'Ukraine recevra des garanties de sécurité fiables.
6. Les forces armées ukrainiennes seront limitées à 600 000 militaires.
7. L'Ukraine accepte d'inscrire dans sa Constitution qu'elle ne rejoindra pas l'OTAN, et l'OTAN accepte d'inclure dans ses statuts une disposition spécifiant que l'Ukraine ne sera pas intégrée à l'avenir.
8. L'OTAN accepte de ne pas stationner de troupes en Ukraine.
9. Des avions de combat européens seront basés en Pologne.
10. Les garanties américaines :
11. L'Ukraine est admissible à l'adhésion à l'UE et bénéficiera d'un accès préférentiel à court terme au marché européen pendant que cette question est à l'étude.
12. Une panoplie mondiale solide de mesures pour reconstruire l'Ukraine, y compris, mais sans s'y limiter :
13. La Russie sera réintégrée dans l'économie mondiale :
14. Les fonds gelés seront utilisés comme suit :
15. Un groupe de travail conjoint américano-russe sur les questions de sécurité sera créé afin de promouvoir et de garantir le respect de toutes les dispositions du présent accord.
16. La Russie inscrira dans la loi sa politique de non-agression envers l'Europe et l'Ukraine.
17. Les États-Unis et la Russie conviendront de prolonger la validité des traités sur la non-prolifération et le contrôle des armes nucléaires, y compris le traité START I.
18. L'Ukraine accepte de ne pas être un État doté de l'arme nucléaire conformément au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
19. La centrale nucléaire de Zaporijia sera mise en service sous la supervision de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), et l'électricité produite sera répartie à parts égales entre la Russie et l'Ukraine à 50-50.
20. Les deux pays s'engagent à mettre en œuvre des programmes éducatifs dans les écoles et la société visant à promouvoir la compréhension et la tolérance des différentes cultures et à éliminer le racisme et les préjugés :
21. Territoires :
22. Après avoir convenu des dispositions territoriales futures, la Fédération de Russie et l'Ukraine s'engagent à ne pas modifier ces dispositions par la force. Aucune garantie de sécurité ne s'appliquera en cas de violation de cet engagement.
23. La Russie n'empêchera pas l'Ukraine d'utiliser le Dniepr à des fins commerciales, et des accords seront conclus sur le libre transport des céréales à travers la mer Noire.
24. Un comité humanitaire sera créé pour résoudre les questions en suspens :
25. L'Ukraine organisera des élections dans 100 jours.
26. Toutes les parties impliquées dans ce conflit bénéficieront d'une amnistie totale pour leurs actions pendant la guerre et s'engageront à ne faire aucune réclamation et à ne pas envisager de plainte à l'avenir.
27. Cet accord sera juridiquement contraignant. Sa mise en œuvre sera contrôlée et garantie par le Conseil de paix, présidé par le président américain Donald Trump. Des sanctions seront imposées en cas de violation.
28. Une fois que toutes les parties auront accepté ce mémorandum, le cessez-le-feu prendra effet immédiatement après le retrait des deux parties vers les points convenus pour commencer la mise en œuvre de l'accord.