Selon Kiev et Washington, la Russie se prépare à une contre-offensive de grande ampleur dans la région de Koursk, en partie sous contrôle ukrainien depuis une attaque surprise menée début août. Vladimir Poutine entend ainsi arriver en position de force à la table des négociations avant l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Vladimir Poutine se prépare à jouer gros dans la région de Koursk. Le président Volodymyr Zelensky a affirmé lundi 11 novembre que la Russie avait rassemblé 50 000 soldats, y compris des troupes nord-coréennes, dans l'espoir de reprendre les quelque 1 000 km2 contrôlés par Kiev en territoire russe, avant l'entrée en fonction de Donald Trump en janvier 2025.
Si les forces russes ont déjà mené de multiples attaques sur les positions ukrainiennes par des tirs de missiles et d'artillerie, c'est la première fois qu'elles s'engagent dans une contre-offensive majeure.
"Ils exécutent maintenant les ordres de leurs chefs militaires, en essayant de repousser nos troupes et de s'enfoncer dans le territoire que nous contrôlons", a déclaré lundi le général Oleksandr Syrskyi, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, sur Facebook, après avoir visité la région.
"C'est un regroupement massif avec probablement un cinquième de forces nord coréennes. Face à eux, on estime les forces ukrainiennes à peu près à 10 000 avec des positions défensives préparées à l'avance", détaille le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire auprès de l'ONU.
Selon des responsables américains, la Russie a formé les Nord-Coréens aux tirs d'artillerie, aux tactiques de base de l'infanterie ainsi qu'à l'attaque de tranchées. Cet entraînement laisse penser que les hommes de Kim Jong-un seront engagés dans des assauts frontaux contre les positions retranchées des troupes de Kiev.
Alors que la Russie peine à atteindre son objectif de recrutement mensuel d'environ 25 000 soldats, selon Washington, la présence de ces militaires nord coréens est d'une importance capitale pour Moscou. L'apport opérationnel des soldats nord-coréens reste toutefois difficile à anticiper. La Corée du Nord a beau posséder l'une des plus grandes armées au monde, ses troupes n'ont pas pris part à des combats depuis des décennies.
Mais selon Rob Lee, spécialiste des questions militaires russes, interrogé par le New York Times, "ces milliers de fantassins supplémentaires peuvent faire la différence à Koursk. Ces soldats sont plus jeunes et en meilleure forme physique que de nombreux soldats russes sous contrat", estime l'expert.
Le 6 août, Kiev avait surpris ses alliés en lançant une offensive historique en Russie pour obliger Moscou à dégarnir ses effectifs engagés dans l'est de l'Ukraine. "Ce plan n'a pas été un succès", note Dominique Trinquand, rappelant que la Russie a poursuivi son effort dans le Donbass, sa principale priorité, ne cessant de grapiller du territoire ukrainien depuis l'été.
Selon les experts militaires, la contre offensive en préparation à Koursk n'a nécessité aucun apport de soldats russes en provenance de l'est ukrainien. Moscou devrait ainsi pouvoir faire pression sur Kiev en accélérant la cadence sur plusieurs fronts simultanément.
"En plus de la contre-offensive à Koursk, les Russes vont continuer leurs attaques dans le Donbass. On annonce également une vaste offensive dans la région de Zaporijjia, c'est-à-dire trois axes d'attaque en même temps. D'un point de vue militaire, l'Ukraine n'a pas les moyens de contrer trois offensives russes", estime le général Trinquand. "La clé réside plutôt dans les frappes dans la profondeur. D'où l'insistance des Ukrainiens à obtenir des missiles longue portée", ajoute l'expert militaire.
Selon Vladyslav Volochyn, un porte-parole du groupe sud de l’armée ukrainienne, l'offensive russe sur Zaporijjia serait même imminente, assurant que des unités d’assaut de l’armée russe ont été dépêchées dans la région.
"Les assauts pourraient commencer dans un avenir proche. Nous ne parlons même pas de semaines. Nous nous attendons à ce que cela se produise d’un jour à l’autre (…). Ils préparent à la fois des groupes blindés et des véhicules légers pour mener ces assauts", explique ce responsable militaire interrogé par l'agence Reuters
Les forces russes ont déjà procédé à des reconnaissances préliminaires et leurs raids aériens ont augmenté de 30 à 40 % au cours des deux ou trois dernières semaines, a ajouté l’officier.
L'ampleur des pertes russes constatées ces derniers mois suggèrent également une volonté d'épuiser les défenses ukrainiennes. Selon le chef d'état-major britannique, l'amiral Tony Radakin, le mois d'octobre a été le plus meurtrier pour l'armée russe depuis le début de la guerre en l'Ukraine en février 2022 avec une moyenne de 1 500 soldats russes tués ou blessés par jour.
"La Russie est sur le point d'arriver à 700 000 personnes tuées ou blessées, ce qui illustre l'énorme douleur et la souffrance que la nation russe doit supporter à cause de l'ambition du président Vladimir Poutine", a également fustigé l'amiral Tony Radakin.
Au cours du week-end, la Russie et l'Ukraine ont aussi échangé un nombre inégalé de frappes de drones, Moscou ayant lancé un total de 145 engins dans la nuit de samedi à dimanche. De son côté, l'Ukraine a tiré un nombre record de drones en direction de la capitale russe.
Le calendrier de ce coup d'accélérateur russe ne doit rien au hasard. La semaine passée a vu la victoire du républicain Donald Trump à la présidentielle américaine. Très critique à l'égard de l'aide de Washington fournie à Kiev, l'imprévisible milliardaire a affirmé qu'il pourrait mettre fin au conflit "en 24 heures".
Signe de l'urgence de la situation et des inquiétudes européennes sur la pérennité de l'aide américaine, le secrétaire d'État américain Antony Blinken était en déplacement mardi à Bruxelles "afin de discuter du soutien à l’Ukraine dans sa défense contre l’agression russe", selon son porte-parole.
"Le président Poutine a intérêt à gagner le maximum de terrain avant le 20 janvier [date de l'investiture du président élu Donald Trump], de façon à être en position de force lorsqu'il y aura des négociations. C'est une nécessité pour lui et c'est pour ça qu'il fait l'effort en ce moment", explique le général Trinquand.
En juin, le président russe avait rappelé ses conditions à l'ouverture de négociations de paix avec Kiev : le retrait des troupes ukrainiennes des régions de Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporijjia, que la Russie n'occupe que partiellement, ainsi que l'abandon d'un projet d'adhésion à l'Otan.
Une forme de reddition inacceptable pour le président Volodymyr Zelensky qui défend de son côté un plan de victoire auprès de ses alliés qui exclut de céder des pans entier de son territoire.
Si l'administration Trump n'a pas clairement affiché ses intentions sur le dossier ukrainien, la Russie a constaté "des signaux positifs", a indiqué ce week-end Dimitri Peskov, le porte-parole du Kremlin. Plusieurs déclarations de l'entourage du milliardaire semblent clairement aller dans le sens de Moscou.
Lors de la campagne aux États-Unis, le futur vice-président américain JD Vance avait notamment plaidé dans une interview pour une Ukraine neutre et l'instauration d'"une zone démilitarisée" sur l’actuelle ligne de front. Une manière de reconnaître de fait les gains territoriaux réalisés par la Russie. Dans un entretien accordé à la BBC, Bryan Lanza, un conseiller proche de Donald Trump, a également appelé l'Ukraine à abandonner ses prétentions sur la Crimée annexée en 2014.
Malgré les incertitudes liées à l'élection de Donald Trump et la perspective d'un nouvel hiver de souffrances, les Ukrainiens continuent de s'opposer en grande majorité à des concessions territoriales. Selon un sondage de l’Institut international de sociologie de Kiev, la proportion d’Ukrainiens favorables à des concessions à la Russie pour mettre fin à la guerre est restée stable à 32 % depuis le printemps dernier.
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