Le Vatican

Déroutant et empathique, François était un pape humain

Auteur: admin
Avril 22, 2025 at 06:29
Le pape François, avec une colombe posée sur sa main, sur la place Saint-Pierre, au Vatican, en 2013. PHOTO VATICAN MEDIA/AFP
Le pape François, avec une colombe posée sur sa main, sur la place Saint-Pierre, au Vatican, en 2013. PHOTO VATICAN MEDIA/AFP

Difficile de coller une étiquette au souverain pontife argentin, qui aura finalement assez peu fait bouger les lignes de l’Église catholique. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il a été le défenseur des plus vulnérables et un homme de fraternité et de paix, estime cet éditorialiste du quotidien francophone libanais “L’Orient-Le Jour”.


Conservateur, libéral ou progressiste ? Les commentateurs du monde entier vont devoir se creuser la tête plus que de coutume ces jours-ci pour être en mesure de coller une étiquette idéologique définitive au pape qui vient de mourir. Pour les amateurs de bilans clairs, de constats tranchés, le moins qu’on puisse dire est que Jorge Mario Bergoglio, alias François, était une figure déroutante.

Avant même son accession au siège de Saint-Pierre, le 13 mars 2013, Mgr Bergoglio, archevêque jésuite de Buenos Aires, divisait déjà frontalement les contemporains qui s’intéressaient à lui. Les uns lui reprochaient une collaboration coupable avec les autorités lors des années de plomb de la dictature argentine. Les autres, au contraire, le lavaient de tout soupçon sur ce chapitre, défiant les premiers de pouvoir avancer la moindre preuve de collusion.

Figure déroutante

Durant les douze années de son pontificat, François s’attellera à ne pas démentir ce talent à semer le trouble dans l’opinion.

Pour les tenants d’une ligne conservatrice au sein de l’Église catholique, s’inscrivant dans la lignée de ses deux prédécesseurs, Jean-Paul II et Benoît XVI, le pape argentin se serait laissé aller à d’intolérables dérives progressistes en matière sociétale, à l’image de ce qu’induisait son fameux “Qui suis-je pour juger ?”, prononcé devant des homosexuels. La séquence avait d’ailleurs suscité une vague d’homophobie dans certains milieux chrétiens traditionalistes.

À l’inverse, la virulence de sa repartie sur la question du droit à l’avortement, comparant le recours à l’IVG au “recrutement d’un tueur à gages”, a fortement déçu les partisans des réformes. Il en ira de même du fait de son approche timorée au sujet de la place des femmes dans l’Église ou encore de la lutte contre les abus à caractère sexuel au sein des institutions religieuses.

De fait, les structures, les textes ont peu changé durant le pontificat de François. Les chantiers juridiques pour réformer, transformer ou adapter les rapports entre l’Église et les normes de la vie moderne ont, dans l’ensemble, manqué. Sauf peut-être pour ce qui est des questions liées à l’environnement, un domaine où le pape défunt a joué un rôle pionnier.

Homme de fraternité et de paix

En revanche, un style est né. Il est fait d’empirisme, d’inclination pour le cas par cas – y compris pour l’IVG –, de sourire omniprésent, de simplicité, de fraternité. Dans ses prises de position à l’égard des pauvres, des réfugiés et des marginalisés, il était rarement question d’idéologie, mais toujours de sincérité et d’empathie humaine. Son refus de loger dans des cadres luxueux n’avait pas ce côté emprunté que l’on retrouve parfois chez des politiciens populistes désireux d’impressionner leur public à bon compte.

Pourfendeur du matérialisme des sociétés modernes, François l’était, mais pas davantage qu’un Jean-Paul II, par exemple. Par contre, s’il est un mot qui incarne un credo qui n’a jamais faibli chez lui, c’est celui de “paix”. Paix entre les hommes, les nations, les religions, le grand disparu n’a eu de cesse de porter ce message sur tous les continents.

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Et la paix au Liban, il la désirait également, tout autant que partout ailleurs. Ce Liban qu’il comprenait bien, reprenant à son compte l’idée de “pays-message” développée par son illustre prédécesseur [Jean-Paul II avait ainsi décrit le pays du Cèdre, vanté comme un modèle de coexistence entre les communautés, dans une lettre apostolique datée de 1989]. Mais ce Liban qu’il jugeait sévèrement aussi, il faut l’avouer, parce que le pays du Cèdre avait tourné le dos à cette vocation et était devenu carrément un faiseur de guerres au lieu d’être un faiseur de paix.

François devait venir au Liban, tout comme ses deux prédécesseurs. Il n’est finalement pas venu. Non pas tant pour des raisons de santé – il a effectué de nombreux déplacements dans le monde –, mais très probablement parce qu’il ne voulait pas cautionner par sa présence une classe politique qu’il lui arrivait de tancer. Cette même classe politique qui, aujourd’hui, rivalise d’éloges concernant le cher disparu.

Elie Fayad

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