Les signalements de drones volant au-dessus du New Jersey se multiplient ces derniers jours. Certains ont même été aperçus à proximité d’installations militaires sensibles. Et personne, y compris le Pentagone ou le FBI, ne semble savoir d’où ils viennent ni ce qu’ils font dans le ciel nord-américain.
Ils survolent le New Jersey, encore et encore et personne ne sait d’où ils viennent, ni ce qu’ils font. Depuis la fin novembre, des dizaines de drones ont été vus dans le ciel de cet État nord-américain, coincé entre New York au nord et Philadelphie au sud-ouest. Et le phénomène - le "mystère" médiatique du moment aux États-Unis - semble même gagner en ampleur ces derniers jours.
Dans la seule nuit du dimanche 8 au lundi 9 décembre, 49 drones ont été observés au-dessus du New Jersey, a annoncé Phil Murphy, le gouverneur de cet État. Le FBI a confirmé, mardi, qu’il avait ouvert une enquête pour tenter de déterminer ce qui se passait en précisant avoir déjà eu plus de 3 000 signalements à ce sujet.
Des drones par milliers ?
La question s’est même retrouvée au cœur des débats d’une session de la Commission aux affaires intérieures de la Chambre des représentants, mardi 10 décembre. Les représentants du Pentagone et du FBI se sont contentés de reconnaître qu’ils ne savaient pas ce qui se passait dans le ciel du New Jersey.
Le ministère de la Défense est tout de même intervenu, mercredi, pour démentir les rumeurs faisant d’espions iraniens les responsables de cette affaire. L’élu républicain Jeff Van Drew avait affirmé sur Fox News détenir des informations "de source haut placée" indiquant que les drones décollaient d’un "navire amiral" iranien à proximité des côtes américaines. Le Pentagone s’est empressé de préciser qu’il n’y avait aucun bateau de ce type nulle part.
Les témoignages d’habitants de l’État qui se multiplient, les élus locaux qui s’inquiètent et la bulle médiatique qui grossit peuvent donner l’impression d’une invasion de drones aux motivations incertaines dans le ciel du New Jersey. Mais attention, "il y a probablement un biais de confirmation pour une partie des signalements. Certaines photos que j’ai pu voir montrent des objets dans le ciel qui rappellent davantage des avions que des drones", souligne Matthew Powell, spécialiste des questions de défense aérienne à l’université de Portsmouth.
Pour lui, le nombre de drones survolant le New Jersey a donc probablement été exagéré, mais il n’empêche qu’il y en a quand même eu plus qu’il ne devrait. Surtout, les signalements confirmés proviennent de sites où les Américains ne voudraient pas apercevoir d’éventuels engins espions dans le ciel. "Ils ont été vus au-dessus d’infrastructures critiques comme des réservoirs d’eau, des lignes électriques, des stations de police ou encore des installations militaires", a précisé sur Facebook la police de Florham Park, une ville au New Jersey.
Vol au-dessus d'un centre de recherche militaire
Des drones ont ainsi survolé le Picatinny Arsenal, un centre de recherche et de production qui a travaillé entre autres à l’élaboration des systèmes de missiles Patriot dans les années 1990. D’autres ont aussi été aperçus au-dessus de l’un des clubs de golf du président élu, Donald Trump, à Bedminster.
Dans les deux cas, les autorités ont décidé d’interdire momentanément tout survol de ces installations. Mais certains élus demandent davantage. Le sénateur républicain Jon Bramnick plaide depuis le début de la semaine pour l’instauration d’un "état d’urgence limité" dans l’État pour empêcher les vols de drones.
Surtout, élus comme simples citoyens se demandent à longueur d’interviews pourquoi les autorités n’ont pas encore déterminé d’où viennent ces drones, près d’un mois après les premiers signalements. "C’est très difficile de le savoir sans avoir accès soit au matériel lui-même, soit à l’opérateur", affirme Emil Archambault, spécialiste des drones militaires et des questions de sécurité internationale à l’université de Durham (Angleterre).
The State of New Jersey should issue a limited state of emergency banning all drones until the public receives an explanation regarding these multiple sightings
— Jon Bramnick (@JonBramnick) December 10, 2024
Le Pentagone a reconnu que ces engins volaient sous les radars. En outre, "ils sont petits et se déplacent vite, ce qui fait qu’il est difficile de les intercepter pour en savoir plus sur leur modèle", précise le spécialiste des questions de défense aérienne Matthew Powell.
Surtout, ils volent de nuit, et lorsque des hélicoptères ont pu s’en approcher, ces petits appareils ont éteint leur lumière pour être plus difficiles à détecter, ont précisé les autorités américaines.
À la recherche des pilotes mystères
Quant à savoir où se trouve le ou les pilotes… Il faudrait déjà connaître le modèle du drone pour avoir une idée de la distance maximum à laquelle peut se trouver l’opérateur. "Plusieurs rapports font état de drones qui pourraient avoir un peu moins de deux mètres de diamètre. Ils sont donc plus gros que les modèles commerciaux traditionnels pour photographes amateurs. Ces engins peuvent voler plus loin, et s’ils sont équipés d’antennes satellites ou d’une connexion cellulaire, le pilote peut se trouver dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres", détaille Emil Archambault.
Ce qui donne une large zone à ratisser. Alors certes, "il est aussi possible d’essayer d’intercepter les communications entre le drone et le pilote afin de déterminer l’origine du signal au sol", ajoute Matthew Powell.
Retrouver les opérateurs permettrait probablement d’en savoir plus sur leurs motivations. Le fait que ces engins volent surtout la nuit, et qu’ils aient été aperçus près d’installations militaires n’a pas manqué de réveiller la peur d’un acteur hostile qui chercherait à espionner les États-Unis. Le souvenir des ballons espions chinois au-dessus des États-Unis en février 2023 est encore présent. Et puis, "il y a un contexte très chargé aux États-Unis, lié à une inquiétude quant à l’attitude de pays comme l’Iran ou la Chine", reconnaît Emil Archambault.
Des amateurs plutôt que des espions ?
Pour autant, Matthew Powell estime qu’il s’agit "plus probablement d’amateurs que d’agence de renseignement étranger. Ce type d’engins n’apporte pas grand-chose par rapport aux capacités des satellites espions, par exemple, qui sont en outre bien plus discrets", résume ce spécialiste.
Les capteurs qui peuvent être embarqués sur ces drones permettent certes d’avoir des images assez détaillées, "mais pas beaucoup plus que ce que l’on peut trouver sur Google Maps", ajoute Matthew Powell.
Le principal intérêt pour un espion étranger pourrait être, comme avec les ballons chinois, de prouver que l’espace aérien est facile à franchir, d’après les experts interrogés par France 24. Il peut aussi s’agir de "tester la capacité de réaction des autorités américaines à une incursion aérienne par drones", soulève le spécialiste des drones militaires Emil Archambault.
Mais même si c’est l’œuvre d’amateurs, cet épisode de vols à répétition "peut donner des idées à certains", craint Matthew Powell. En effet, ces quelques drones dans le ciel américain ont provoqué un vrai pataquès médiatico-sécuritaire.
Il faut dire qu’il "est très délicat de répondre à ce genre de situation", reconnaît Emil Archambault. Sortir l’artillerie lourde et abattre ces drones n’est, par exemple, pas sans risque. "Il faut s’assurer que les débris ne vont pas retomber sur des zones habitées", souligne Matthew Powell. Même dilemme pour les tentatives de piratage informatique. "S’ils volent à l’aveugle, les drones peuvent finir par s’écraser contre des infrastructures et provoquer des dégâts importants", précise Matthew Powell.
Le plus simple, conclut Emil Archambault, serait vraiment encore que les autorités "mettent la main sur les pilotes".
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