Les États Unis

Les destinées chamboulées de Katrina

Auteur: Jean-François Bélanger Source: Radio Canada
Août 30, 2025 at 12:34
Deux jeunes femmes tentent de se mettre à l’abri des eaux après le passage de l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans le 29 août 2005. PHOTO : TED JACKSON - NOLA.COM | THE TIMES-PICAYUNE / TED JACKSON
Deux jeunes femmes tentent de se mettre à l’abri des eaux après le passage de l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans le 29 août 2005. PHOTO : TED JACKSON - NOLA.COM | THE TIMES-PICAYUNE / TED JACKSON

En plus des morts et des dommages matériels, l’ouragan Katrina qui a dévasté La Nouvelle-Orléans, il y a vingt ans, a bouleversé bien des destins.


Ted Jackson balaye le quartier du regard, puis s’avance sur un terrain vacant et s’agenouille pour prendre une série de photos, concentré sur son sujet. Le photographe se relève ensuite en laissant échapper une réflexion à voix haute. « Il y a beaucoup de terrains vacants et de fondations abandonnées ici… » 

Et pour cause, le quartier du Lower Ninth Ward est celui qui a été le plus endommagé par l’ouragan Katrina, en août 2005. Peuplé à l’origine d’ouvriers, souvent pauvres, il porte encore les cicatrices de la catastrophe. Vingt ans plus tard, à peine plus du tiers de ses habitants sont revenus s’y installer. Des rues entières ne sont donc qu’un alignement de fondations ou de dalles de béton.

Il est facile de regarder ceci et de n’y voir que des dalles de béton, lance Ted Jackson. Mais ce n’est pas le cas. Des gens vivaient ici et ce sont des vestiges de leur vie.

 

Un homme tient une caméra devant un mur de briques.
Photoreporter au journal local, le « Times-Picayune », au moment de Katrina, Ted Jackson s'est senti investi d'une mission : prendre des photos pour montrer au monde l'ampleur de la catastrophe. PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANÇOIS BÉLANGER

Ted revient souvent sur les lieux du drame. Chaque coin de rue lui rappelle des souvenirs très vifs. Comme beaucoup de résidents de La Nouvelle-Orléans, il est marqué à vie par la catastrophe.

Le 29 août 2005, il est photographe au quotidien local, le Times-Picayune. Il est donc l’un des premiers arrivés sur place. Après le passage de l’ouragan, la ville est sans électricité, sans moyens de communication; coupée du monde. Ted ne sait donc pas à quoi s’attendre lorsqu’il se dirige vers le Lower Ninth Ward pour voir l’étendue des dommages.

Arrivé sur le pont de la rue Saint-Claude, au-dessus du canal industriel, il est obligé de laisser son camion derrière. Tout était inondé jusqu’au toit des maisons, raconte-t-il, plongé dans ses souvenirs. Il poursuit alors son chemin à pied, tentant de garder ses appareils photo hors de l’eau. 

De l’eau jusqu’au toit

Puis, il tombe sur une scène dramatique. Une famille entière, prisonnière des eaux. Ces femmes s'accrochaient désespérément au porche de leur maison, en équilibre sur la balustrade, se tenant aux poteaux.

 

 Cette scène a traumatisé Ted Jackson qui ne s’est jamais senti aussi inutile. Heureusement, il a appris plus tard que la famille avait survécu.
Cette scène a traumatisé Ted Jackson qui ne s’est jamais senti aussi inutile. Heureusement, il a appris plus tard que la famille avait survécu. PHOTO : TED JACKSON - NOLA.COM | THE TIMES-PICAYUNE / TED JACKSON

 


Cette histoire le bouleverse encore chaque fois qu’il la raconte. Elles allaient faire tenir la petite fille en équilibre sur un billot de bois et la pousser de l'autre côté, et elles me suppliaient de la rattraper. Le photographe tente de les en dissuader. Je savais qu’il était impossible qu'elle parvienne à traverser. Il se résout alors à partir pour tenter de mettre la main sur un bateau. Je ne pouvais pas supporter de voir la petite fille se noyer.

 

À ce moment, je me suis senti tellement inutile en tant qu'être humain. Je suis là, mais tout ce que je peux offrir, c'est de prendre une photo.

Une citation de Ted Jackson, photoreporter

 

À son retour, une heure et demie plus tard, il n'y avait plus personne. Le photographe était convaincu que tous avaient disparu dans les flots. Il jure alors de ne plus prendre de photo de personnes dans ces circonstances s’il n’est pas en mesure de les aider. Ce n’est que plusieurs mois plus tard qu’il a appris que la famille entière avait survécu.

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