Les résultats de la présidentielle pointent l’échec des démocrates à proposer un projet clair aux électeurs américains.
« When we fight we win » (Quand on se bat, on gagne), répétaient à l’envi les militants démocrates tout au long de la campagne. À la vue des résultats électoraux de mardi soir et de la vague rouge qui a balayé les États-Unis, de combat, il n’y a pas vraiment eu. Et de victoire, encore moins.
Propulsée dans l’arène trois mois avant l’élection présidentielle, Kamala Harris n’a pas résisté à la stratégie belliqueuse de son adversaire. Et ce, même si elle avait réussi à réveiller une certaine ferveur à la suite du désistement de Joe Biden au mois de juillet.
Pour Rafael Jacob, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal, la principale erreur stratégique du Parti démocrate est justement d’avoir choisi d’axer sa campagne « d’abord et avant tout » sur des attaques contre Donald Trump, plutôt que de compter sur les propositions de Kamala Harris.
« Ce que les électeurs voulaient savoir, c’est ce qu’elle allait faire une fois arrivée à la Maison-Blanche », résume-t-il en entrevue au Devoir.
Alors que le message de Trump était relativement simple, que le leader républicain a pu répéter sans cesse pendant des mois, les positions de Harris n’ont pas semblé toujours très claires pour un électorat de plus en plus polarisé.
« On a eu l’impression que Mme Harris se cherchait », explique de son côté John Parisella, fellow au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal.
« Quand elle a exprimé ses positions, ce n’était pas nécessairement facile à comprendre. Ça donnait l’impression de beaucoup de mots pour peu de précisions. Ça a joué contre elle. »
Un boulet nommé Joe Biden
Une autre des raisons de la défaite de Kamala Harris tient dans le désistement tardif de Joe Biden, que la candidate démocrate a traîné comme un boulet.
« Le problème n’est pas de savoir si Biden a attendu trop longtemps avant de partir. Le problème, c’est que l’establishment du Parti démocrate a fait semblant pendant des mois que tout allait bien, qu’il n’y avait pas de problème », explique Rafael Jacob.
« Les démocrates étaient impopulaires et l’administration Biden avait un taux d’approbation de 40 %. De plus, ils tiraient de l’arrière sur deux grands dossiers qui dominaient les débats : l’économie — en fait, l’inflation — et l’immigration », résume pour sa part John Parisella.
Selon lui, l’absence de primaires a également nui à la candidate démocrate, qui n’a pas eu l’occasion de créer un lien avec les électeurs américains.
Manque de mobilisation de la base
Selon « les derniers dépouillements définitifs, notamment dans l’Ouest, Kamala Harris a pour l’instant 14 millions de voix de moins que ce qu’a obtenu Biden en 2020. C’est assez remarquable », laisse tomber Julien Tourreille, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal.
Pour le politologue, l’échec du Parti démocrate tient donc aussi dans le déficit de mobilisation de la base traditionnelle qui n’a pas réussi à inciter les gens à voter.
« L’un des arguments qui étaient avancés pour inciter Biden à se désister, c’était la crainte qu’il ne mobilise pas l’électorat. Tout compte fait, Kamala Harris n’y est pas parvenue », affirme-t-il.
M. Tourreille croit aussi que la défaite de Mme Harris est un échec de la stratégie des démocrates dans leur volonté de convaincre différents électorats qu’ils sont les mieux placés pour défendre leurs intérêts.
C’est le cas des Hispaniques ou des Noirs. C’est aussi le cas des Asiatiques, dont l’appui aux démocrates a considérablement reculé depuis 2020.
« Ce sont les Asiatiques qui ont le plus déserté le camp démocrate. Ils sont passés de 70 % d’appui à 56 % », affirme Julien Tourreille.
Idem pour les femmes, que la candidate démocrate n’a pas réussi à convaincre plus qu’à l’accoutumée.
« On ne peut pas dire que les femmes se soient “surmobilisées” pour une femme. Biden avait obtenu 55 % du vote des femmes, Harris 54 %. Cette fois, on peut dire que les femmes ont moins voté pour une femme. »
Quel futur pour le Parti démocrate ?
Le Parti démocrate va devoir procéder à son examen de conscience, estiment les experts avec lesquels Le Devoir s’est entretenu.
Avec les élections de mi-mandat dans leur ligne de mire, deux bonnes nouvelles se présentent toutefois pour les démocrates, croit Rafael Jacob.
« Un, ils ont pour adversaire un président qui revient au pouvoir et qui est historiquement impopulaire. Il n’y aura donc pas de lune de miel pour Trump cette fois. Trump arrive au pouvoir avec la moitié du pays contre lui. C’est bon pour les démocrates », avance le chercheur.
« Et puis, les démocrates comptent plusieurs jeunes politiciens très talentueux qui attendent en coulisses, comme Gretchen Whitmer, la gouverneure du Michigan, ou Josh Shapiro, le gouverneur de la Pennsylvanie. »
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