Sous la contrainte, le ministère de la justice américain a commencé vendredi à rendre publics des milliers de documents issus de l’enquête sur le criminel sexuel, censés faire la lumière sur ses liens avec des personnalités publiques.
Le Monde avec AFP
Quelque 3 965 fichiers issus de l’enquête sur le criminel sexuel Jeffrey Epstein ont été mis en ligne, vendredi 19 décembre, sur le site du ministère de la justice américain. Ces documents étaient censés contribuer à faire la lumière sur les liens de l’influent financier, mort en prison en 2019, avec des personnalités du monde des affaires, du spectacle ou de la politique, y compris l’actuel président, Donald Trump.
Mais, alors qu’une loi adoptée par le Congrès en novembre imposait au gouvernement américain de publier l’intégralité des documents non classifiés en sa possession d’ici à ce vendredi, ça n’est qu’une partie des pièces qui a été révélée. Le processus se fera finalement sur plusieurs semaines, a fait savoir Todd Blanche, le numéro deux du ministère de la justice.
Par ailleurs, de larges passages sont cachés, dont une liste de 254 « masseuses » aux noms caviardés « pour protéger la victime », ou les 119 pages d’un document judiciaire émanant d’un tribunal de New York, biffées sans explication.
« Une opération de camouflage pour protéger Donald Trump »
A l’origine de la loi contraignant l’administration Trump à divulguer l’intégralité de ces documents, les élus démocrate Ro Khanna et républicain Thomas Massie ont regretté que le ministère de la justice n’ait « pas respecté » ce qui lui était demandé. Dans une vidéo sur X, Ro Khanna remarque aussi l’absence du projet d’acte d’accusation après l’arrestation de Jeffrey Epstein en 2019, qui, selon lui, met en cause « d’autres hommes riches et puissants ».
Parmi les matériaux publiés, des photos montrent Jeffrey Epstein en compagnie de célébrités, comme les chanteurs Michael Jackson et Mick Jagger. Y figurent aussi des dizaines d’images censurées de personnes nues ou largement dévêtues et des clichés du financier et d’autres individus le visage masqué, avec des armes à feu. On trouve aussi une plainte déposée auprès du FBI en 1996 par une femme ayant travaillé pour Jeffrey Epstein, qui dénonçait son intérêt pour la « pornographie enfantine ».
Une note manuscrite portant sur des « adresses e-mail importantes » fait aussi référence à Jean-Luc Brunel comme « scout » pour jeunes femmes. Cet agent français de mannequins avait été accusé de violences sexuelles par Virginia Giuffre, l’une des victimes du financier. Il avait lui aussi été retrouvé mort dans sa cellule, en 2022, avant son procès.
Des photos de Bill Clinton
La proximité de Jeffrey Epstein avec nombre de personnalités mondaines était déjà connue, notamment avec l’ancien président démocrate Bill Clinton (1993-2001), qui apparaît sur plusieurs clichés. On le voit dans ce qui semble être un Jacuzzi, une partie de l’image masquée par un rectangle noir « ajouté pour protéger une victime », a raillé un porte-parole du ministère de la justice, Gates McGavick, sur X.
L’entourage de Donald Trump cherche à « se protéger de ce qui vient, ou de ce qu’ils tenteront de dissimuler à jamais », a réagi le chef adjoint du cabinet de Bill Clinton, Angel Ureña, ajoutant que l’ancien dirigeant, âgé de 79 ans, « ne savait rien et a rompu tout contact avec Epstein avant que ses crimes ne soient révélés ».
Donald Trump avait promis, lors de sa campagne en 2024, une totale transparence dans ce dossier mais, pendant des mois après son élection, il n’a pas tenu sa promesse, qualifiant l’affaire de « canular » instrumentalisé par l’opposition démocrate, au grand dam de sa base MAGA, obsédée par ce scandale. Le président a finalement reculé sous la pression du Congrès et promulgué la loi contraignant son administration à divulguer ces documents.
Figure de la jet-set new-yorkaise, Jeffrey Epstein est accusé d’avoir exploité sexuellement plus de mille jeunes femmes, dont des mineures. Cette affaire a éclaboussé plusieurs célébrités, dont Andrew, le frère du roi Charles III, incriminé par l’une des victimes.
Pas de nouvelles inculpations à attendre
Marina Lacerda, l’une des femmes qui affirment avoir survécu à des agressions sexuelles de la part de l’homme d’affaires, qui ont commencé lorsqu’elle avait 14 ans, a exprimé sa frustration face aux omissions et à la publication incomplète des documents. « Publiez simplement les fichiers », a-t-elle dit. « Et arrêtez de caviarder les noms qui n’ont pas besoin de l’être. »
La mort du financier en prison, à 66 ans, avant son procès, classée comme un suicide par les autorités, a alimenté d’innombrables théories du complot selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités qui auraient bénéficié de ses crimes.
Un temps proche du financier avec qui il évoluait dans les mêmes cercles, Donald Trump a toujours démenti avoir eu connaissance de son comportement criminel et assure avoir rompu avec lui bien avant qu’il ne soit inquiété par la justice.
L’ancienne compagne de Jeffrey Epstein, Ghislaine Maxwell, 63 ans, qui purge une peine de vingt ans de prison, est la seule personne à avoir été condamnée dans l’affaire. Todd Blanche a prévenu vendredi qu’il ne fallait pas s’attendre à de nouvelles inculpations.
Le Monde avec AFP