Les États Unis

100 jours de Trump : de 2017 à 2025, le jeu des sept différences

Auteur: admin, Romain HOUEIX Source: France 24::
Avril 29, 2025 at 16:05
Donald Trump lors de son 1er mandat de président, en 2017 (à gauche), et lors du 2e, en 2025 (à droite). © AFP / Studio graphique FMM
Donald Trump lors de son 1er mandat de président, en 2017 (à gauche), et lors du 2e, en 2025 (à droite). © AFP / Studio graphique FMM

Le 100e jour au pouvoir des présidents américains est traditionnellement celui du premier bilan. La comparaison entre le Donald Trump de 2017 et celui de 2025 montre une continuité. Fidèle à sa méthode de saturation de l'espace médiatique, le milliardaire aboie sur la scène internationale tandis que sur le plan intérieur, il flirte avec les limites de la légalité.


Plus vite, plus haut, plus fort, la cuvée 2025 de Donald Trump ? Le président américain va célébrer, mercredi 30 avril, la fin des 100 premiers jours de son second mandat, une période traditionnellement scrutée de près, puisqu'elle donne en général le ton du mandat.

La tradition remonte à Franklin Delano Roosevelt. Élu en 1933 dans un pays qui peine à se remettre du krach boursier de 1929, il demande à être jugé sur ses actes au bout de 100 jours. La tradition est restée.

En 2017, Donald Trump, en pleine découverte de l'exercice du pouvoir, avait balayé cette "habitude ridicule" d'un tweet : "Peu importe ce que j'ai accompli durant cette ridicule habitude des 100 premiers jours, et ça a été beaucoup [..], les médias vont m'assassiner", fulminait le président.

Tout aussi modeste en 2025, il clame dans une interview au Time qu'il a "eu 100 jours de présidence réussie" avec le "meilleur premier mois", "le meilleur deuxième mois" et "désormais le meilleur troisième mois" de l'histoire" même si les "gens ne le sauront pas tout de suite."

Premier président depuis Grover Cleveland en 1893 à ne pas effectuer deux mandats consécutifs, Donald Trump a-t-il modifié son style durant les huit années qui se sont écoulées ? Déluges d'annonces fracassantes, diplomatie "à l'instinct" et bras de fer avec la justice, la comparaison entre les 100 jours du 45e et du 47e président met en lumière d'évidents parallèles mais également quelques différences.

Un Donald Trump mieux préparé

"La grande différence, c'est l'impréparation de 2017 par rapport à la préparation de 2025. Il y a huit ans, Donald Trump était le premier surpris d'avoir été élu", note Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et spécialiste des États-Unis. "Il avait cette fois tout un bataillon derrière lui qui avait préparé un certain nombre de textes pour une rapidité d'action inédite ."

Durant ses 100 premiers jours en 2017, il avait signé un nombre record de décrets présidentiels : trente-deux en un peu plus de trois mois. En 2025, il est passé à un rythme industriel. Au 28 avril, il en avait déjà signé 139, un record. C'est presque autant que Joe Biden sous son entière mandature (160). 

C'est d'ailleurs l'une des images que l'on retient de Donald Trump. Un président américain, affairé dans le Bureau ovale, signant une quantité industrielle de décrets sous le regard des caméras. 

 

Une saison 2 du show Trump

"Vous allez beaucoup vous amuser en regardant la télévision", avait promis Donald Trump à ses supporters au soir de son investiture. 

"À la base homme d'affaires, Donald Trump est ensuite devenu une star de la télévision pendant une quinzaine d'années avant de passer à la politique", rappelle Lauric Henneton. "C'est quelqu'un qui est totalement obsédé par l'audience et par la sérialité qui est devenue sa manière de gouverner."

L'altercation entre Volodymyr Zelensky et le duo Donald Trump-J.D. Vance à la Maison Blanche est symptomatique de cette manière d'incarner la politique. Après des échanges très houleux entre les trois hommes, le président s'était tourné vers les journalistes pour leur déclarer : "Ça va être de la bonne télévision. Ça je peux vous le dire."

 

REPLAY - L'ncroyable échange entre Zelensky, Trump et Vance dans le Bureau ovale


"Dès le premier mandat, il y avait ce côté reality-show, à la fois contrôlé et improvisé. Avec de la communication mais aussi des fuites et des bisbilles au sein de l'administration qui transformaient la présidence en téléréalité", explique Lauric Henneton. "C'est inhérent à Donald Trump et ce qui est désormais devenu le trumpisme."

Comme en 2017, Donald Trump a fait de Twitter, passé entre-temps dans les mains de son soutien Elon Musk et devenu X, un outil essentiel de sa communication. Quotidiennement, il attaque ses adversaires et se livre à des annonces fracassantes. "Donald Trump est un homme d'oukases électroniques. En 2017 comme en 2025, une grande partie du travail médiatique est l'exégèse de ses tweets", analyse Lauric Henneton. Il poste aussi sur son propre réseau, Truth Social, qu'il a créé après son bannissement de Twitter en janvier 2021 dans la foulée de l'assaut du Capitole, où il y est suivi par 9,67 millions d'abonnés.

 

"Pour le moment, c'est beaucoup de bruit pour rien"

Réforme de l'Obamacare, contrôle de l'immigration via le "Muslim ban", construction du mur frontalier, rapprochement avec la Russie… En 2017, Donald Trump avait passé les 100 premiers jours au pouvoir à multiplier les annonces fracassantes.

Droits de douane, expulsion de sans-papiers vers le Salvador, paix en Ukraine et à Gaza… Huit ans plus tard, la méthode n'a pas changé : "Flood the zone" (inondez la zone"), selon les mots de Steve Bannon, l’ancien stratège de Donald Trump. Comprendre : multiplier les déclarations et communications, qu'importe le reste.

"Donald Trump n'a absolument aucune patience. Il faut que ça aille vite même si ce n'est pas forcément bien fait. Il balance des tas de trucs contre le mur et regarde ce qui colle", analyse Lauric Henneton. "Du point de vue des trumpistes, Donald Trump est un président efficace, capable de prendre des décisions. Ses opposants le qualifient d'impulsif."

Sur le plan international, on retrouve ce même volontarisme affiché. Les 100 premiers jours de son premier mandat avaient été marqués par une relative continuité que ce soit sur la Syrie, la relation à l'Otan ou la Chine. Cette fois, le milliardaire lance des offensives diplomatiques tous azimuts : se rêvant en "faiseur de paix" et en prix Nobel, il a engagé pêle-mêle des négociations inédites avec la Russie pour mettre fin à la guerre "en 24 heures" et d'autres avec l'ennemi juré iranien, tandis que dans le même temps, il va au bras de fer avec la Chine dans une guerre commerciale. Le président républicain avance à marche forcée sa vision de "l'Amérique d'abord", qui verrait bien le canal de Panama, le Groenland voire le Canada devenir américain.

Une approche clairement unilatéraliste, basée sur la menace, l'intimidation et le donnant-donnant comme seul raisonnement pour aboutir à des "deals" diplomatiques qui se heurtent fréquemment à la réalité du multilatéralisme.

"En géopolitique et en diplomatie, les choses avancent mieux à bas bruit", rappelle Lauric Henneton ce qui est loin d'être le style de Trump. "Cela prend des années pour obtenir une avancée et lui veut obtenir des résultats tout de suite. Donc pour le moment, c'est beaucoup de bruit pour rien."

 

Désormais, "Trump a une attitude floue avec la justice"

Sur le plan national ou international, "la similitude qu'on peut voir entre 2017 et 2025, c'est que toutes les grandes annonces qu'il tente de mettre en place n'aboutissent finalement pas à grand-chose. C'est le paradoxe de Trump. Il y a un déluge d'annonces mais aussi de revirements. La montagne de communication accouche d'une souris politique", poursuit le chercheur. 

Ce qui est nouveau en revanche, c'est l'agacement manifeste de Donald Trump face aux décisions de justice. En 2017, l'administration Trump avait accepté de revoir plusieurs fois sa copie sur le "Muslim Ban". Désormais, le président préfère citer Napoléon, "Celui qui sauve sa patrie ne viole aucune loi”, et fustiger une "justice gauchiste et politique".

"Dans l'esprit de la constitution américaine, le juge est le contre-pouvoir du décret. Cependant, désormais, Donald Trump a une attitude beaucoup plus floue face à la justice", assure Lauric Henneton.

De hauts responsables de son administration ont appelé à ignorer des décisions de justice. Au point qu'un juge fédéral a conclu que l'exécutif avait "délibérément bafoué" son interdiction d'expulser des immigrés en vertu d'une loi d'exception, concluant à une forte présomption "d'outrage au tribunal". 

"Que la décision vienne d'un juge fédéral ou de la Cour suprême, ces derniers n'ont pas les moyens d'obliger l'administration fédérale à obéir. Ils peuvent faire des tweets, des déclarations ou infliger des amendes… Rien ne peut tordre réellement le bras à une administration qui refuserait de coopérer", développe le spécialiste des États-Unis. "On voit une crise constitutionnelle se dessiner, ce qui n'était pas le cas lors du premier mandat."

 

"Personne ne veut siffler la fin de la récré"

Si Donald Trump se sent désormais tout-puissant, c'est aussi qu'il se sent davantage légitime, note Lauric Henneton. Contrairement à 2017, le président américain a remporté le vote populaire en plus des sept États-clés qui lui assuraient son élection au collège électoral. De plus il détient, comme en 2017,  la majorité au Sénat et à la Chambre des représentants. Ce qui l'incite peu au compromis.

"En 2017, il avait une forme d'insécurité. Il s'était donc entouré de personnes relativement consensuelles : des militaires, des banquiers de Goldman Sachs… Alors qu'on s'attendait à davantage de figures populistes. Il y avait dans l'administration des figures capables de tempérer ses impulsions. On les appelait 'les adultes dans la pièce', rappelle Lauric Henneton. "Ce n'est plus le cas à de très rares exceptions."

Avec la trumpisation du Parti républicain, "il n'a pas fait ployer le 'Great Old Party', il l'a carrément mis à genoux", juge Lauric Henneton. "Depuis 2017, il y eu une purge volontaire du parti. Tous ceux qui n'étaient pas d'accord ont démissionné ou sont partis. Il y a la peur de s'aliéner Donald Trump et sa horde de supporters. Personne ne veut siffler la fin de la récré parce qu'ils ont tellement peur d'être soit marginalisés, soit remplacés".

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