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Apple accusé d'écouter ses utilisateurs à leur insu en France avec Siri

Auteur: Thomas Pontiroli Source: Les Echos:::
Février 14, 2025 at 07:16
Bousculé par la concurrence, Siri a évolué en 2024 avec de nouvelles capacités d'intelligence artificielle. (SEBASTIEN BOZON/AFP)
Bousculé par la concurrence, Siri a évolué en 2024 avec de nouvelles capacités d'intelligence artificielle. (SEBASTIEN BOZON/AFP)

Apple a fait de la protection de la vie privée son cheval de bataille, mais une plainte déposée par la Ligue des droits de l'homme risque d'émailler ce positionnement. Elle accuse l'assistant vocal d'avoir récolté des données sans recueil du consentement.


Siri écoute-t-il ses utilisateurs à leur insu ? L'assistant vocal d'Apple, présent sur ses produits phare comme l'iPhone, l'iPad et l'Apple Watch, est au centre d'une plainte déposée par la Ligue des droits de l'homme (LDH), le 13 février au parquet de Paris, doublée d'un signalement auprès du procureur de la République.

Cette plainte s'appuie sur le témoignage d'un ex-employé français de Globe Technical Services, un sous-traitant d'Apple basé à Cork, en Irlande, rapportent « Le Monde » et Radio France . Celui-ci doit analyser les sons enregistrés afin de corriger les transcriptions automatiques et d'étiqueter les fichiers, s'ils ont été enregistrés de façon accidentelle, alors qu'une autre équipe identifie des mots-clés : marques, célébrités, etc.

Risque d'identification

Si Apple affirme que cette analyse, devant améliorer les prestations de Siri (ce qu'il avait admis en 2019 ), est opérée de façon anonymisée, le témoin soutient le contraire, documents et captures d'écran à l'appui. Certains analystes, selon lui, ont pu avoir accès à des données issues d'applications sur les iPhone ou iPad analysés, permettant in fine d'identifier son propriétaire.

Cette collecte de données, selon la plainte, se ferait en violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui impose un consentement éclairé avant le recueil de données personnelles en Union européenne. Contacté, Apple France n'a pas fait de commentaire.

« Le jour même de mon arrivée, on nous a fait comprendre qu'on allait travailler sur des enregistrements de personnes en train de parler à leur assistant Siri ou sur des enregistrements captés à leur insu quand la machine se déclenchait par erreur », a expliqué l'ancien analyste à Franceinfo. « Pour l'enregistrement ‘appelle maman', mes collègues devaient chercher ‘maman' dans les contacts de l'appareil et l'étiqueter », décrit-il.

La justice californienne aussi sollicitée

Il y a aussi le caractère sensible des informations, selon le témoignage : enregistrements d'enfants (surtout sur iPad), opinions politiques, appartenance syndicale, maladies, sexualité, etc. « Je me souviens avoir entendu quelqu'un parler de son compte en banque en Suisse. Les collègues entendaient régulièrement des couples faire l'amour », a témoigné le lanceur d'alerte. Pire, il y aurait eu l'enregistrement d'un homme décrivant ses fantasmes pédophiles, selon le témoin, qui a quitté son poste après l'avoir signalé à sa hiérarchie.

Par ailleurs, Apple aurait incité les analystes à ne considérer les enregistrements comme « accidentels » qu'en dernier recours, et ainsi transmis des « dizaines voire des centaines de millions » de fichiers pour analyse, alors même que Siri n'est censé s'activer que par une action volontaire… De quoi relancer la légende urbaine du smartphone qui nous écoute en permanence.

En parallèle de cette plainte en France, la justice californienne doit statuer ce vendredi sur un recours collectif accusant Apple d'avoir exploité sans consentement les conversations privées d'utilisateurs entre 2014 et 2024 ; à des fins commerciales plutôt que pour améliorer Siri. Si Apple a réfuté ces accusations, il a ouvert en janvier un fonds d'indemnisation doté de 95 millions de dollars afin d'empêcher toute nouvelle procédure de ce genre aux Etats-Unis.

Le nouveau risque des chatbots IA

Cette plainte surgit alors que la nouvelle ère des chatbots intelligents - ChatGPT, Gemini ou Le Chat - fait craindre un risque d'une autre ampleur sur le respect de la vie privée, et que Siri lui-même a démultiplié ses capacités avec l'arrivée d'Apple Intelligence en 2024. ChatGPT propose, lui, un mode vocal toujours activé même sur l'écran verrouillé sur smartphone. 

Si les assistants vocaux comme Siri , puis Alexa d'Amazon, avaient fini par perdre du terrain devant leur manque de performances, les chatbots IA, eux, exploitent les données personnelles pour former leur modèle de langage. Et cela pose déjà question.

En France, cette semaine, un avocat a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Il accuse le français Mistral AI de ne pas proposer de consentement éclairé avant la collecte des informations personnelles dans la version gratuite de son chatbot. La Commission doit rendre une décision sous peu.

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