Plus de 810 000 travailleurs québécois sont à risque de perdre leur gagne-pain en raison de l'automatisation et de l'intelligence artificielle, selon une étude de l'Institut du Québec (IDQ).
C'est à peu près 18 % de la population active, souligne la directrice générale de l'IDQ, Emna Braham, en entrevue. On trouve ces travailleurs surtout dans le secteur des ventes et des services, de la fabrication, mais aussi de plus en plus dans les métiers de bureau, les adjoints administratifs ou les vérificateurs comptables.
L'IDQ a identifié 96 professions vulnérables à l'automatisation et à l'adoption de l'intelligence artificielle, dans une étude publiée mercredi en collaboration avec le Centre des compétences futures.
Les caissiers, les serveurs, les vérificateurs comptables, les opérateurs de machinerie manufacturière et les ouvriers spécialisés dans l'élevage comptent parmi les professions vulnérables.
Pour ces professionnels, les options de réorientations vers une autre profession avec un salaire relativement comparable sont limitées. Le nombre de travailleurs à risque est toutefois encore plus élevé, si on considère les professionnels qui ont de meilleures perspectives de réorientation.
Par exemple, les traducteurs voient leur profession menacée par les grands modèles de langage. Or, l'IDQ estime que leurs compétences linguistiques leur donnent des outils pour se rediriger vers l'enseignement.
L'organisme de réflexion n'inclut donc pas les traducteurs et les autres professionnels qui peuvent se réorienter plus facilement, parmi les 810 000 travailleurs vulnérables.
L'Institut C.D. Howe estimait, pour sa part, que près du tiers des emplois au Québec risquaient fortement d'être automatisés, selon une étude publiée en mai 2022.
Pour sa part, l'IDQ a voulu concentrer son analyse sur les travailleurs qui auraient plus de difficulté à se reclasser. On voulait apporter cette nuance-là, de se dire : "En termes de politique publique, peut-être que ce qui est davantage important, c'est de se concentrer sur ces travailleurs qui sont vulnérables et où le marché de l'emploi, finalement, ne va pas leur permettre de se replacer facilement".
Plus vulnérables sans diplôme
La situation est plus préoccupante pour les travailleurs sans diplôme. Ils sont 27 % à travailler ou à chercher un emploi dans un métier vulnérable.
Les diplômés universitaires ne sont pas complètement épargnés, mais ils se trouvent dans une meilleure posture. Seulement 8 % des professions se trouvent dans une situation vulnérable. C'est notamment le cas des vérificateurs comptables.
Les milieux de l'enseignement, des services sociaux et communautaires ainsi que celui des arts et de la culture sont grandement épargnés par les bouleversements technologiques à venir.
Si certaines tâches pouvaient être automatisées ou remplacées par une intelligence artificielle, ce n'est pas toutes les tâches de ces emplois-là qui peuvent l'être, constate Mme Braham. On pense à l'empathie ou à l'intelligence émotionnelle, qui fait en sorte que ces emplois ne sont pas aussi à risque que d'autres.
Des changements progressifs
Le lancement de ChatGPT en novembre 2022 a créé un effet de notoriété soudain pour l'intelligence artificielle.
De nombreux internautes utilisent régulièrement l'intelligence artificielle pour leur travail ou leurs tâches quotidiennes, que ce soit pour rédiger un courriel ou élaborer une recette à partir d'ingrédients qu'ils ont dans leur cuisine.
L'adoption de l'intelligence artificielle devrait se faire de manière beaucoup plus progressive dans les entreprises et gouvernements.
Dans plein de cas, ça nécessite de l'investissement, ça nécessite de la formation, ça nécessite d'avoir un plan stratégique pour intégrer ces technologies, énumère Mme Braham. Donc, ça pourrait être beaucoup plus lent que ce qu'on imagine.
La situation au Québec
À peine 12 % des entreprises québécoises prévoient utiliser l'intelligence artificielle au cours de la prochaine année, selon l'IDQ.
Le Québec est toutefois en tête de peloton lorsqu'on fait la comparaison avec les autres provinces canadiennes, répond Anthony Migneault, économiste principal de l'IDQ, lors de la même entrevue. Quand on a observé les enquêtes de Statistique Canada, le Québec semble être plus parmi les leaders et il faut s'en réjouir. Mais ça veut dire aussi que les transformations du marché du travail arriveront peut-être plus tôt au Québec.
À lire et à voir aussi :
<p>Marco Rubio menace le Panama de "mesures" en l'absence de "changements immédiats" sur le canal</p>