Corée du Sud

Le Parlement de Corée du Sud destitue le président Yoon

Auteur: Claire Lee - Agence France-Presse, Kang Jin-kyu - Agence France-Presse, Hieun Shin - Agence France-Presse Source: Le Devoir
Décembre 14, 2024 at 14:19
Photo: Publié par le bureau présidentiel sud-coréen via Agence France-Presse Le président Yoon Suk-yeol prononçant un discours public depuis sa résidence officielle à Séoul
Photo: Publié par le bureau présidentiel sud-coréen via Agence France-Presse Le président Yoon Suk-yeol prononçant un discours public depuis sa résidence officielle à Séoul

Les députés sud-coréens ont destitué samedi le président Yoon Suk-yeol, après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale et de faire museler le Parlement par l’armée le 3 décembre.

Les dizaines de milliers de manifestants massés à l’extérieur de l’Assemblée nationale ont explosé de joie à l’annonce par le président de la chambre Woo Won-shik du résultat du vote : 204 voix pour la destitution, 85 contre, 3 abstentions et 8 bulletins invalides.

La motion de destitution devait recueillir au moins 200 voix sur 300 pour passer. L’opposition, qui dispose de 192 députés, a donc réussi à faire basculer dans son camp 12 des 108 élus du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la formation de M. Yoon.

Le président est désormais suspendu, dans l’attente de la validation de sa destitution par la Cour constitutionnelle sous 180 jours. Le premier ministre Han Duck-soo assure l’intérim.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a estimé samedi que la destitution du président sud-coréen illustrait la « résilience démocratique » en Corée du Sud et s’est dit « prêts à travailler avec le président Han ».

« Nous soutenons fermement le peuple coréen. Nous soutenons fermement l’alliance sans faille » entre les États-Unis et la Corée du Sud, a-t-il ajouté.

« C’est une victoire du peuple et de la démocratie », s’est félicité Park Chan-dae, le chef de file des députés du Parti démocrate, la principale force d’opposition, juste après le vote.

« Cerveau » de la rébellion

L’imposition de la loi martiale « est une violation claire de la Constitution et une grave infraction à la loi », avait déclaré M. Park à la tribune avant le scrutin. « Yoon Suk-yeol est le cerveau de cette rébellion ».

« Je vous demande instamment de voter en faveur de la destitution afin de laisser une leçon historique selon laquelle ceux qui détruisent l’ordre constitutionnel devront rendre des comptes », avait poursuivi M. Park. « Yoon Suk-yeol est le plus grand risque pour la République de Corée ».

Le 7 décembre, une première motion de destitution avait échoué, la plupart des députés du Parti du pouvoir au peuple (PPP) de M. Yoon ayant quitté l’hémicycle pour empêcher le quorum d’être atteint.

200 000 manifestants

À l’annonce de la destitution, les quelque 200 000 manifestants massés devant l’Assemblée nationale ont explosé de joie, dansant au son d’une K-pop assourdissante, s’embrassant parfois en larmes et agitant des bâtons lumineux, selon des journalistes de l’AFP sur place.

 

Photo: Anthony Wallace Agence France-PresseDes manifestants réclamant l’éviction du président sud-coréen Yoon Suk-yeol réagissent après le résultat du deuxième vote de destitution de la loi martiale devant l’Assemblée nationale à Séoul.
Photo: Anthony Wallace Agence France-PresseDes manifestants réclamant l’éviction du président sud-coréen Yoon Suk-yeol réagissent après le résultat du deuxième vote de destitution de la loi martiale devant l’Assemblée nationale à Séoul.

 

« N’est-il pas extraordinaire que nous, le peuple, ayons réalisé ceci ensemble ? », s’est exclamée Choi Jung-ha, une manifestante de 52 ans.

Plusieurs milliers de partisans de M. Yoon se sont également rassemblés dans le centre de Séoul, brandissant des drapeaux sud-coréens et américains.

« Je suis profondément frustré », a déclaré le président déchu à la télévision, confirmant qu’il allait maintenant se « retirer pour un certain temps ». Il a appelé à en finir avec « la politique de l’excès et de la confrontation » au profit d’une « politique de délibération et de considération ».

La Cour constitutionnelle a six mois pour confirmer ou infirmer la décision du Parlement. Trois de ses neuf juges ayant pris leur retraite en octobre sans être remplacés à cause du blocage politique, les six restants devront prendre leur décision à l’unanimité.

Si la destitution est validée, une élection présidentielle anticipée aura lieu sous 60 jours.

 

Photo: Anthony Wallace Agence France-PresseLes personnes qui ont appelé à l’éviction du président sud-coréen Yoon Suk-yeol laissent des post-it sur un bus à Séoul.
Photo: Anthony Wallace Agence France-PresseLes personnes qui ont appelé à l’éviction du président sud-coréen Yoon Suk-yeol laissent des post-it sur un bus à Séoul.

 

Le président de la Cour, Moon Hyung-bae, a promis « une procédure rapide et juste » et a convoqué les autres juges pour une première réunion lundi matin.

Yoon Suk-yeol, 63 ans, est le troisième président de l’histoire de la Corée du Sud à être destitué par le Parlement, après Park Geun-hye en 2017 et Roh Moo-hyun en 2004. Ce dernier avait cependant vu sa destitution invalidée par la Cour constitutionnelle deux mois après son adoption par les députés.

Chassé du pouvoir, visé par une enquête pénale pour « rébellion » et interdit de quitter le pays, Yoon Suk-yeol voit le filet judiciaire se resserrer sur lui et ses proches collaborateurs.

Arrestations

Vendredi, le parquet a annoncé l’arrestation du chef du commandement militaire de Séoul, et un tribunal a lancé des mandats d’arrêt contre les chefs de la police nationale et de la police de Séoul, citant un « risque de destruction de preuves ».

L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme la personne ayant poussé le président à imposer la loi martiale, avait été le premier à être arrêté le 8 décembre. Il avait tenté deux jours plus tard de se suicider en détention.

Yoon Suk-yeol avait sidéré la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en instaurant la loi martiale, une première en plus de quatre décennies dans le pays, et en envoyant l’armée au Parlement pour essayer d’empêcher les députés de se réunir.

Dans un hémicycle cerné par les forces spéciales, les parlementaires avaient tout de même réussi à tenir une séance d’urgence et à voter un texte réclamant l’abolition de la loi martiale, auquel le président avait été constitutionnellement obligé d’obéir.

Yoon Suk-yeol, un ancien procureur entré sur le tard en politique et élu président en 2022, avait justifié son coup de force par son désir de « protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État », accusant le Parlement dominé par l’opposition de torpiller toutes ses initiatives et de bloquer le pays.

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