Overdose de fentanyl dans les rues de New York

ENQUÊTE | [Bertrand Monnet est professeur à l’Edhec (école de commerce), titulaire de la chaire Management des risques criminels. A ce titre, il s’intéresse au cartel de Sinaloa depuis 2014. Il lui a fallu des années pour identifier des intermédiaires capables de garantir à la fois la fiabilité de ses interlocuteurs et sa sécurité. Cette enquête sur le fentanyl, qui a donné lieu à une série vidéo en trois volets diffusée sur Lemonde.fr, a nécessité de nombreux séjours au Mexique et un long travail de mise en confiance. « Les narcos ont accepté de témoigner par volonté d’afficher leur puissance sur la scène internationale », estime le chercheur.]

Culiacan, le fief du cartel de Sinaloa, dans le nord-ouest du Mexique. Le Toyota Land Cruiser de Pablo, un conducteur affilié à cette organisation criminelle, roule lentement sur une grande artère de la ville. Il me conduit à un rendez-vous avec le chef d’un clan important du cartel. Dans les semaines précédentes, j’ai pu observer, au sein même des laboratoires, la fabrication des pastilles de fentanyl que les « narcos » produisent par tonnes. Il faut maintenant comprendre comment ils exportent cet opioïde vers leur principal marché, les Etats-Unis.

Le chef en question est justement l’un des plus gros fournisseurs des trafiquants de New York. Pour lui, cette entrevue est risquée : il sait à quel point le cartel est sous la menace d’opérations de l’armée mexicaine et de la Drug Enforcement Agency (DEA, l’agence antidrogue américaine). S’il a accepté de me rencontrer, c’est uniquement à la demande d’un proche d’« El Chapo », le leader historique de l’organisation, détenu aux Etats-Unis. Désormais hors de l’organisation après avoir purgé une peine de prison, cet « intermédiaire » conserve une telle autorité morale sur les narcos qu’il peut favoriser pareille rencontre.

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