Intelligence artificielle 5 min de lecture

,Intelligence artificielle : trop beau pour être vrai?

Des courtiers dans la salle des marchés de la Bourse de New York (NYSE) le 21 novembre 2025.  Photo : Getty Images / AFP / ANGELA WEISS
Des courtiers dans la salle des marchés de la Bourse de New York (NYSE) le 21 novembre 2025. Photo : Getty Images / AFP / ANGELA WEISS

Vous vous rappelez l’éclatement de la bulle technologique au début des années 2000, qui a fait des ravages exceptionnels? Peut-on imaginer que la même chose se reproduise avec les titres de l’intelligence artificielle (IA), dont la valeur a été catapultée dans les derniers mois? Est-ce qu’une bulle de l’IA s’apprête à exploser?

Nous sommes le 10 mars 2000. Le Nasdaq atteint son sommet, à 5132 points, après des années d’euphorie boursière alors que l’Internet entre dans nos vies. Les attentes et les espoirs sont immenses. Tout le monde veut profiter de la révolution en cours. Mais, tout à coup, l’incertitude pointe son nez : et si l’argent investi ne rapportait jamais les dividendes attendus?

Le Nasdaq amorce sa chute. Un mois après le sommet, l’indice des valeurs technologiques tombe sous les 4000 points, perdant près du quart de sa valeur. En novembre de la même année, le Nasdaq glisse sous les 3000 points. On est déjà à 40 % de perte de valeur.

Au dernier jour de négociations de l’an 2000, le 29 décembre, l’indice clôture à 2470 points. C’est une glissade de 52 % depuis le sommet de mars. En neuf mois, le Nasdaq a donc perdu la moitié de sa valeur. Ça s’appelle un krach boursier!

Le Nasdaq poursuivra sa chute en 2001 et passera sous les 2000 points en mars, un an après le début de sa dégringolade. Le plancher sera atteint le 10 octobre 2002, à 1108 points. Du sommet au creux, le Nasdaq aura perdu 78,4 %. Ouille!

Et si ça reproduisait?

La question qui se pose aujourd’hui, c’est si la même chose peut se produire avec les actions des entreprises de l’intelligence artificielle. Alors que le Nasdaq a gagné plus de 125 % depuis trois ans, se peut-il que l’embellie boursière soit synonyme d’euphorie et d’embrasement qui pourraient nous mener au scénario catastrophe des années 2000 à 2002?

Interrogé par la BBC à Londres, le grand patron d’Alphabet, la société mère de Google, Sundar Pichai, a parlé d’une certaine irrationalité dans la hausse exceptionnelle des titres de l’IA dans les derniers mois. Et plusieurs investisseurs de premier plan commencent à poser des gestes qui amènent bien des investisseurs à douter de la valeur réelle de l’IA, à ce point-ci.

Thiel Macro, le fonds spéculatif de Peter Thiel, fondateur de PayPal et Palantir, s'est départi de 500 000 actions de Nvidia au cours du trimestre. La banque japonaise SoftBank a sorti toutes ses billes de Nvidia, pour une valeur de 5,8 milliards $ US. Et Michael Burry, gourou de la finance qui avait anticipé la bulle de 2008, a parié contre Nvidia et Palantir.

L’ex-président de la Réserve fédérale américaine Alan Greenspan avait une expression pour décrire la frénésie des marchés à certains moments : exubérance irrationnelle. C’est ce qu’il voyait en 1996, en parlant de l’état des marchés, quelques années avant l’éclatement de la bulle techno.

Mercredi, à Zone économie, le gestionnaire de portefeuilles à la retraite Jean-Luc Landry se rappelait une déclaration d’Alan Greenspan, qui disait, en résumé, qu’une bulle spéculative est très facile à reconnaître une fois qu’elle est passée, mais qu’il est impossible de savoir si nous sommes dans une bulle au moment où elle se forme.

Cette fameuse exubérance irrationnelle et l’optimisme généralisé font en sorte que, bien souvent, à la veille du début d’une chute importante des marchés, des investisseurs sont encore convaincus que les hausses vont se poursuivre.

Cela dit, on apprenait mercredi soir que les résultats financiers du troisième trimestre de 2025 de Nvidia, le plus important fabricant de microprocesseurs dédiés à l'intelligence artificielle, avaient dépassé les attentes des analystes. L’entreprise, qui affiche la valorisation boursière la plus élevée dans le monde à plus de 4500 milliards $ US, a annoncé des revenus de 57 milliards $ US, en hausse de 62 %, et des profits nets de 32 milliards $ US, en hausse de 65 %.

Nvidia a perdu 4 % de sa valeur cette semaine, mais est en hausse de 33 % depuis le début de l’année et de plus de 1200 % depuis cinq ans. L’entreprise est peut-être la plus grande bénéficiaire de l’embellie pour l’intelligence artificielle alors que ses puces sont devenues essentielles à la mise en place des infrastructures nécessaires au développement de l’IA.

Et ses résultats plus forts que prévu ont laissé croire à plusieurs investisseurs qu’on y trouvait là la preuve qu’il n’y a pas de bulle spéculative.

Comment rentabiliser des centaines de milliards d’investissements?

Alors, bien malin celui qui sait, en ce moment, qu’il y a une bulle et qui sait, surtout, quand elle va éclater. Ce que nous pouvons dire toutefois, c’est que les investissements en intelligence artificielle sont tellement importants ces jours-ci, qu’il est tout à fait légitime de se demander si ces centaines de milliards de dollars investis et à investir vont générer des rendements encore plus importants dans le futur.

Ce qui inquiète les marchés à court terme, c’est de savoir comment on va faire pour rentabiliser ces 400, 500, 600, 700 milliards de dollars d’investissements prévus pour 2026-2027a expliqué le gestionnaire de portefeuille Daniel Ouellet à Zone économie mercredi.

La construction massive de centres de données pour alimenter les systèmes d’IA va exiger beaucoup d’énergie. Et il faudra rentabiliser ces investissements. Or, peu d'entreprises peuvent soutenir des investissements aussi massifs. Il va falloir qu’il y ait de vrais revenus en provenance des entreprises et des utilisateurs de l’intelligence artificielle, selon Daniel Ouellet, pour venir justifier ces investissements massifs.

La Bank of America a récemment sondé des gestionnaires de portefeuille. Et 45 % d’entre eux ont estimé qu’une bulle liée à l’intelligence artificielle est actuellement le principal facteur de risques pour les marchés boursiers.

En attendant, les hausses des principaux indices sont importantes depuis le début de l’année : hausse de 9 % pour le Dow Jones, de 12 % pour le S&P500, de 15 % pour le Nasdaq et de 22 % pour le S&P/TSX au Canada.

Avec la collaboration de Yanick Lepage, de Gabrielle Cimon et de Maya Chebl

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