Sommet du G7

Modi au G7 : dialoguer avec l’Inde, pour quoi faire?

Auteur: Rania Massoud Source: Radio Canada
Juin 16, 2025 at 10:32
Le premier ministre de l'Inde, Narendra Modi, au moment de son arrivée à Chypre pour une visite officielle avant son voyage au Canada pour participer au Sommet du G7.  Photo : Reuters / Stavros Ioannides/PIO
Le premier ministre de l'Inde, Narendra Modi, au moment de son arrivée à Chypre pour une visite officielle avant son voyage au Canada pour participer au Sommet du G7. Photo : Reuters / Stavros Ioannides/PIO

La visite du premier ministre Modi au Canada marque non seulement le début d'un dégel dans les relations diplomatiques entre l'Inde et le Canada mais aussi une ouverture vers une plus grande coopération économique et sécuritaire.


Le premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, dont le gouvernement est accusé d’avoir commandité le meurtre d’un leader sikh en Colombie-Britannique il y a deux ans, est un des invités les plus controversés au Sommet du G7, qui se déroule jusqu’à mardi à Kananaskis, en Alberta.

Les relations entre New Delhi et Ottawa sont à leur plus bas depuis que l’ex-premier ministre Justin Trudeau a dénoncé le rôle potentiel du gouvernement Modi dans l’assassinat d’un citoyen canadien, Hardeep Singh Nijjar, à Vancouver en juin 2023. New Delhi a rejeté ces accusations en bloc.

Depuis, le Canada a expulsé six diplomates de l'Inde, dont son haut-commissaire, alors que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dit détenir des preuves d'activités criminelles violentes liées au gouvernement indien. En riposte, l'Inde a elle aussi expulsé six diplomates canadiens.

Le dégel des relations entre ces deux pays a commencé depuis l’arrivée au pouvoir du premier ministre Mark Carney, qui a justifié l’invitation de l’Inde au G7 en évoquant son importance sur la scène internationale en tant que cinquième puissance économique mondiale.

 

Gros plan sur le visage de Mark Carney.
Le premier ministre Mark Carney au moment de s'adresser à des journalistes à Ottawa, le 4 juin 2025. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / SEAN KILPATRICK

 

Le G7 prévoit des discussions importantes sur la sécurité énergétique, le numérique, les matières premières, des partenariats en matière d'infrastructures [...]. Certains pays doivent être à notre table pour ces discussions, a récemment dit M. Carney.

Selon Megha Sharma, rédactrice en chef de la chaîne News X, basée à New Delhi, la détérioration des relations entre le Canada et l’Inde a négativement affecté ces deux pays.

La visite du premier ministre Modi au Canada représente un bon pas en avant, a-t-elle dit en entrevue avec Radio-Canada à Banff. Vu de New Delhi, c’est très positif, a-t-elle ajouté, rappelant que l’Inde représente la principale source d’étudiants étrangers au Canada et un de ses principaux partenaires commerciaux.

 

Une femme sourit devant les Rocheuses albertaines.
Megha Sharma, rédactrice en chef de la chaîne News X, pose pour une photo à Banff, où elle se trouve pour la couverture du Sommet du G7. PHOTO : RADIO-CANADA / RANIA MASSOUD

 

Coopération sécuritaire

Cependant, au-delà des relations diplomatiques et économiques, les deux pays espèrent aussi renforcer leurs liens sur le plan sécuritaire.

Lors d’un échange téléphonique entre le premier ministre Carney et son homologue indien, le 6 juin dernier, les deux dirigeants ont convenu de poursuivre la collaboration entre les autorités chargées de l’application de la loi, de même que les discussions sur les questions en matière de sécurité.

Plus encore : le média américain Bloomberg rapporte que MM. Modi et Carney vont signer un accord de partage de renseignements cette semaine, en marge du Sommet du G7.

Cet accord viserait à renforcer les efforts entre les deux pays pour lutter contre la criminalité transnationale et l'extrémisme, toujours selon les informations de Bloomberg, qui n’ont pas été confirmées par le bureau du premier ministre Carney.

 

Madame Tessier parle dans un micro.
L'ancienne responsable du SCRS, Michelle Tessier, au moment de comparaître comme témoin lors de l'enquête publique sur l'ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux et dans les institutions démocratiques à Ottawa, le jeudi 4 avril 2024. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / SEAN KILPATRICK

 

Pour Michelle Tessier, ancienne sous-directrice des opérations au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Canada aurait plus à gagner à maintenir le dialogue avec New Delhi, d’autant plus que les menaces sont de plus en plus transnationales.

C’est aussi un moyen pour le Canada de contrer toute éventuelle opération clandestine sur son territoire, selon elle.

 

C'est toujours une bonne idée de discuter plutôt que de couper les ponts [...], parce qu'on veut empêcher que des pays étrangers agissent sur le sol canadien, à l'insu des autorités canadiennes.

Une citation deMichelle Tessier, ancienne responsable du SCRS

 

Selon Mme Tessier, qui enseigne aujourd’hui à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, ces discussions peuvent être difficiles, mais elles sont nécessaires, notamment pour faire avancer l’enquête policière sur les présumées ingérences indiennes.

Quand on regarde des activités préoccupantes − que ça soit le terrorisme, l'espionnage, la répression transnationale −, on veut pouvoir s'assurer qu'on a des outils pour mener à fin les enquêtes, explique-t-elle.

La question du Khalistan

Du côté de l’Inde, le premier ministre Modi chercherait lui aussi à obtenir une plus grande collaboration de la part des autorités canadiennes contre les séparatistes sikhs, qualifiés par New Delhi de terroristes. Le gouvernement indien reproche au Canada de leur offrir un refuge, mais Ottawa s’est toujours défendu en déclarant que ces militants ont le droit d’exprimer leur opinion.

 

Des manifestants tiennent des drapeaux du mouvement Khalistan et une pancarte qui porte une image du visage de Hardeep Singh Nijjar.
Des manifestants se sont rassemblés à Vancouver en juin 2023 après le meurtre de Hardeep Singh Nijjar, tué par balles dans le stationnement du temple sikh qu'il dirigeait à Surrey, dans le Grand Vancouver. (Photo d'archives) PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / ETHAN CAIRNS
 

Selon la journaliste indienne Megha Sharma, la question du Khalistan, le mouvement pour la création d'un État sikh indépendant dans la région du Pendjab, sera certainement évoquée lors des discussions entre MM. Carney et Modi.

L’Inde a envoyé plusieurs fois des demandes d'extradition au Canada pour solliciter la coopération des services de justice canadiens afin d'extrader ces extrémistes qui propagent des messages de sécession, rappelle Mme Sharma.

Le Canada a notamment rejeté deux demandes d'extradition contre M. Nijjar alors que les autorités indiennes l'accusaient d'avoir joué un rôle dans un attentat à la bombe contre une salle de cinéma.

Plus tôt en journée, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, a affirmé que son pays est prêt à travailler avec différents pays sans exclure aucune relation.

Le défi de la diplomatie consiste à savoir comment traiter avec des pays différents qui ne partagent pas forcément vos opinions, dont les intérêts peuvent parfois converger avec les vôtres, mais parfois diverger, et comment y répondre, a-t-il dit lors d’une conférence de presse.

Nous avons été fermes lorsque nos intérêts en matière de sécurité ont été menacés, a-t-il encore ajouté. Mais si nous devons forger une relation stable, nous sommes prêts à le faire.

Plusieurs manifestations sont prévues lundi dans plusieurs villes au Canada par des groupes sikhs qui dénoncent l'invitation de M. Modi au G7 et qui accusent M. Carney d'avoir trahi leur communauté.

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