Dans une vidéo adressée à la nation, le président ukrainien affirme que l'Ukraine fait face à l'un des moments diplomatiques « les plus difficiles de son histoire ». Il prévient que certaines demandes américaines pourraient compromettre la souveraineté du pays.
Par Guillaume Ptak
Ce vendredi, Volodymyr Zelensky a réagi avec une fermeté inhabituelle au nouveau plan de paix avancé par Washington, dont les grandes lignes ont été présentées cette semaine aux dirigeants ukrainiens. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le président a évoqué « l'un des moments les plus difficiles de notre histoire » et dénoncé une pression extérieure « parmi les plus fortes que nous ayons jamais connues », alors que les Etats-Unis pressent l'Ukraine d'accepter un cadre en 28 points pour mettre fin au conflit avec la Russie.
Ce texte américain proposerait une cessation des hostilités assortie de concessions majeures : réduction des forces ukrainiennes, gel de l'adhésion à l'Otan, reconnaissance de facto de gains territoriaux russes. D'après Reuters, Washington aurait enjoint Kiev à donner une réponse d'ici la semaine prochaine, sous peine de voir le soutien militaire américain diminuer.
Face à ce cadre jugé déséquilibré par plusieurs partenaires européens, alors que l'Union européenne estime être « marginalisée », Zelensky a exprimé publiquement ses réticences dans ce message exceptionnellement direct.
Lignes rouges
« L'Ukraine peut se retrouver devant un choix très difficile. Soit la perte de notre dignité, soit le risque de perdre un partenaire clé. Soit des '28 points compliqués', soit un hiver extrêmement difficile. » Cette formulation confirme les tensions suscitées par les propositions américaines, nettement défavorables à l'Ukraine.
Si le président ukrainien ne cite pas explicitement le contenu du plan, il dénonce avec force le climat de contrainte qui entoure les négociations. « La pression sur l'Ukraine est l'une des plus fortes que nous ayons jamais connues, affirme-t-il. Nous ne donnerons pas au monde, et encore moins à l'ennemi, un prétexte pour dire que l'Ukraine ne veut pas la paix ou qu'elle n'est pas prête à la diplomatie. » Le président précise avoir ordonné à ses équipes de travailler « 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » pour analyser les propositions américaines et formuler des contre-projets.
Mais il fixe deux lignes rouges non négociables : « Je me battrai pour qu'au milieu de tous les points du plan, au moins deux ne disparaissent jamais : la dignité et la liberté des Ukrainiens. » Tout en affichant son refus de céder sur les principes fondamentaux, le président ukrainien n'a pas fermé la porte à une poursuite des discussions. « Je veux travailler calmement avec l'Amérique et tous les partenaires », a-t-il affirmé, ajoutant avoir mandaté ses équipes pour « élaborer les prochaines étapes ».
Zelensky fragilisé
Cette prise de position intervient alors que Kiev traverse une période politique et diplomatique délicate. Le président est fragilisé par une série de scandales de gouvernance, dont l'affaire Energoatom, qui ont érodé sa popularité.
Dans le même temps, plusieurs capitales occidentales, à commencer par Washington, estiment que la guerre s'enlise et que des négociations doivent être accélérées. L'adresse paraît servir autant à préparer l'opinion ukrainienne qu'à prévenir les partenaires occidentaux. Zelensky rappelle ainsi sa mission « de défendre la souveraineté et l'indépendance » du pays. Et assure : « Je n'ai jamais trahi ce serment. »
Pour l'Ukraine, le risque est double. Sur le front extérieur, une acceptation trop large des propositions américaines pourrait être perçue comme une reddition à Moscou. Sur le plan intérieur, le président affronte une opinion publique toujours majoritairement opposée à tout compromis sur l'intégrité territoriale, selon les dernières enquêtes de l'Institut international de sociologie de Kiev. « C'est un choix extrêmement difficile », a reconnu Volodymyr Zelensky ce vendredi.