En Ukraine, fierté et frustration au lendemain de l’altercation entre Zelensky et Trump

L’échange acrimonieux qu’a eu le président ukrainien Volodymyr Zelensky avec le président et le vice-président américains vendredi a laissé les alliés de l'Ukraine et nombre de ses citoyens sous le choc. Mais d'autres y ont trouvé une source de fierté dans la façon dont il s’est défendu.

Évidemment, j’étais fâché, a avoué à CBC News Andriy Tkachuk, un soldat ukrainien en service dans le nord du pays. Nous comprenons que M. Trump et son administration ont une stratégie politique, mais quand on se met à parler d’argent, on oublie de parler des personnes.

Le président ukrainien s’est rendu vendredi au bureau ovale de la Maison-Blanche pour signer une entente sur les minerais ukrainiens. Mais sa conversation avec Donald Trump et J.D. Vance a tourné à l'affrontement : les dirigeants américains l’ont accusé de manquer de respect et d’être ingrat envers les États-Unis et de jouer avec la Troisième Guerre mondiale alors qu’il continuait d’exiger des garanties de sécurité.

Beaucoup d’Ukrainiens ont applaudi l’audace et la ténacité de Volodymyr Zelensky devant le président américain, qui a entamé un rapprochement avec la Russie et qui a lancé des pourparlers de paix sur la guerre en Ukraine sans l’Ukraine.

Si certains pensent qu'il aurait dû se montrer plus diplomate dans ses commentaires à M. Trump, la grande majorité des gens jugent que M. Zelensky a tenu bon.

Donald Trump a finalement compris que Zelensky est un président qui n'abandonnera pas, a déclaré à Reuters Mila, une Ukrainienne.

Mais les critiques du président ukrainien ont plutôt vu dans cette rencontre une erreur stratégique mettant encore davantage en péril la relation entre l’Ukraine et leur principal soutien militaire. Selon eux, l’échange corsé risque de compromettre la capacité de l’Ukraine à poursuivre la guerre ou à en négocier une fin dans de meilleures conditions.

 

Dans une entrevue diffusée sur BBC News, le député de l’opposition ukrainiene Oleksy Goncharenko, a qualifié de désastre la rencontre.

C’est mauvais pour les États-Unis, mais c’est catastrophique pour l’Ukraine, a-t-il déclaré. Nous saignons tous les jours, nous sommes dans une situation très difficile et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre notre principal allié.

Il aurait souhaité que M. Zelensky garde son sang-froid et qu’il demeure posé devant les médias américains qui assistaient à la conversation.

Optimisme

Après la rencontre, Volodymyr Zelensky a été forcé de quitter la Maison-Blanche les mains vides. Il a tout de même remercié les États-Unis pour leur soutien, mais a refusé de s'excuser. Je respecte le président et je respecte les Américains. Je pense qu’il faut être très ouvert et très honnête et je ne crois pas que nous ayons fait quelque chose de mal.

Volodymyr Zelensky a manqué de respect envers les États-Unis dans ce bureau ovale chéri. Il pourra revenir à la Maison-Blanche quand il sera prêt pour la paix, a pour sa part renchéri Donald Trump.

En entrevue avec CBC News, le président du comité des Affaires étrangères ukrainien, Oleksandr Merezhko, a avoué qu’il ne pouvait pas croire ce qui s’est passé à la Maison-Blanche vendredi, mais qu’il était fier du président Zelensky.

Je suis optimiste et j'ai bon espoir que les choses s’amélioreront d’une manière ou d’une autre, a-t-il dit, et j’espère que le bon sens et la sagesse prévaudront, car dans l’entourage de M. Trump, il y a des gens qui comprennent ce qui se passe.

M. Merezhko s’attend à un accueil beaucoup plus chaleureux alors que M. Zelensky doit être accueilli samedi à Londres pour un sommet européen.

Nous comprenons que la guerre serait difficile sans le soutien militaire des États-Unis, a-t-il indiqué. Je suppose que nous pouvons compter sur davantage de soutien de la part de nos vrais alliés.

 

Dans l’armée ukrainienne, certains n’aiment pas Zelensky, d’autres l’aiment, a expliqué le soldat Tkachuk, mais il ne s’agit pas de Zelensky, il s’agit de notre pays.

Il a permis à CBC News de publier son nom complet parce qu’il change présentement de rôle au sein de l’armée et parce qu’il ressentait le besoin de parler ouvertement alors que l’Ukraine traverse une période très importante.

M. Tkatchuk ne s’inquiète pas trop de l’éventualité où les États-Unis couperaient abruptement leur soutien à l’Ukraine. C’était beaucoup plus épeurant, croit-il, il y a trois ans, quand l’armée russe a traversé en territoire ukrainien et que son pays se défendait sans les armes sophistiquées fournies par les États-Unis.

L’entente sur les minerais à l’origine de la rencontre entre M. Zelensky et les dirigeants américains avait d’ailleurs pour but de permettre aux États-Unis d’accéder à une partie des minéraux ukrainiens en guise de remboursement pour les dizaines de milliards de dollars fournis en soutien militaire.

Selon le soldat, la situation forcera l’Ukraine à se tourner davantage vers ses autres alliés, notamment l’Europe et le Canada.

 

Un déraillement de train

Du côté russe, le Kremlin n’a toujours pas réagi officiellement après l’événement. Mais des dirigeants russes ont pris la parole sur les réseaux sociaux.

Le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dimitri Medvedev a qualifié le président ukrainien de porc ingrat qui a reçu une solide claque vendredi.

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que c’était un miracle que Donald Trump et J.D. Vance se soient retenus de ne pas frapper Volodymyr Zelensky.

Les médias russes ont eux qualifié cette rencontre d'exécution publique et de déraillement de train.