La publication des résultats du géant de l’intelligence artificielle Nvidia remue les marchés boursiers.
Depuis plusieurs jours, les grands indices boursiers sont secoués par l’incertitude entourant la publication, attendue aujourd’hui, des résultats trimestriels du géant américain de l’intelligence artificielle (IA) Nvidia.
Le fabricant de microprocesseurs dont les titres en bourse affichaient une augmentation de 38 % à la fin octobre est devenu l'une des locomotives boursières grâce à l’intelligence artificielle. Propulsée par son succès, Nvidia a amassé une capitalisation boursière colossale.
Mais depuis le début de novembre, le cours de ses actions fléchit. Et la question se fait plus insistante sur les parquets boursiers : Nvidia sera-t-elle capable de produire un tel rendement encore longtemps?
Résultat, en quelques jours, le S&P 500 a perdu pratiquement tous les gains qu’il avait enregistrés en un mois. La situation fut pire pour l’indice technologique NASDAQ alors que le Dow Jones, principal indice de la Bourse de New York, a piqué du nez pendant près d'une semaine.
Il n’y a pas eu d’événement précis qui a déclenché cette baisse, explique Nicolas Chevalier, associé principal et gestionnaire de portefeuille chez Pembroke Management.
Il n’y a pas une puce chinoise qui a été inventée qui va concurrencer Nvidia à moitié prix. […] Il n’y a pas de cause fondamentale. C'est une question de flux monétaire alimenté par la psychologie du marché.
Mais comment le rendement d'une seule entreprise peut-il ébranler à ce point les grands marchés boursiers?
Il ne s’agit pas que d’une seule entreprise, prévient Nicolas Chevalier. Mais c’est surtout vers Nvidia que les yeux se tournent en raison de sa capitalisation démesurée.
Il y a quelques jours, on parlait pour Nvidia d'une capitalisation boursière de près 5 billions de dollars américains [7000 milliards $ CA].
Si le titre baissait de 40 %, ce qui n’est pas impossible, la baisse représenterait 2 billions de dollars. Ce qui n’est pas loin du PIB total du Canada.
Une citation deNicolas Chevalier, associé principal et gestionnaire de portefeuille chez Pembroke Management
L’effet sur la richesse et le pouvoir de dépenser des investisseurs serait immédiat et majeur.
Les gens qui détiennent ce type d’actions, souligne M. Chevalier, sont souvent parmi les mieux nantis dans la société.
Et dernièrement, précise-t-il, ce sont les mieux nantis qui sont responsables d'une grosse partie […] des dépenses en consommation et de la croissance de l'économie.
Une bulle spéculative?
En raison des possibilités technologiques importantes qu’elle offre, l’industrie de l’intelligence artificielle a fait naître des centaines de nouvelles entreprises et des dizaines de milliards de dollars d’investissements qui sont, dans de nombreux cas, basés sur l’espérance de revenus dans le futur.
Or, jusqu’ici, les compagnies du secteur de l'IA génèrent peu de profit en regard des sommes importantes qu’elles investissent. On se retrouve alors avec des entreprises qui valent une fortune en bourse, mais qui ne génèrent pas de profits à court terme.
Dans les faits, seulement une dizaine de gros joueurs, dont Meta, Google, Apple, Microsoft, Palantir, Broadcom, Nvidia ou Amazon, sont actuellement capables de générer du rendement tout en absorbant le coût du développement de leurs outils d’intelligence artificielle.
Ces 10 sociétés-là représentent 40 % de l'indice [S&P 500]. C'est énorme, explique Nicolas Chevalier. S’il y a un engouement moins élevé pour l'intelligence artificielle et que ces titres-là baissent, ça peut avoir un impact très grand.
Le doute s'installe
Une possibilité qui préoccupe d’importants acteurs économiques, dont Sundar Pichai, le grand patron d’Alphabet, la société mère de Google, qui a prévenu les investisseurs hier contre l’irrationalité et les excès de la surcapitalisation dans l’intelligence artificielle.
Toutes les entreprises seraient touchées, a assuré Sundar Pichai, y compris Google.
Méfiant lui aussi, Peter Thiel, cofondateur de PayPal et de Palantir Technologies, a pour sa part vendu les 537 000 actions de Nvidia qui constituaient 40 % de son fonds spéculatif Thiel Marco LLC.
Comme c’est souvent le cas lors de pareille situation, notamment lors de la bulle Internet à la fin des années 1990, plusieurs entreprises ne survivront pas à cette ruée vers l’intelligence artificielle, mais d’autres seront propulsées au sommet.
Ça prend des gestionnaires qui vont choisir les bons titres au bon moment.
Une citation deSébastien Mc Mahon, économiste et stratège en chef chez IA Groupe financier au Téléjournal.
Dans chaque révolution technologique d’importance, il va y avoir de l’anticipation, il va y avoir des titres qui ne font pas d’argent, mais qui vont sortir avec des valorisations très élevées. Ça veut dire qu’il faut bien choisir son cheval, expliquait hier au Téléjournal Sébastien Mc Mahon, économiste et stratège en chef chez IA Groupe financier.
Pour M. Mc Mahon, les carnets de commandes bien remplis des grands joueurs de l’intelligence artificielle et les profits qu’ils arrivent à générer sont de bon augure pour le moment et d’autres investissements importants devraient suivre car il y a encore place à la croissance dans ce secteur.
On n’est pas dans une situation de bulle, on est dans un supercycle d’investissement. Mais ne vous faites pas d’accroire, éventuellement il va y en avoir une bulle.
Une citation deSébastien Mc Mahon, économiste et stratège en chef chez IA Groupe financier
Enfin, quel conseil peut-on donner aux petits investisseurs que nous sommes sans une telle période?
Je pense que le mot d'ordre a toujours été d'avoir un portefeuille diversifié, recommande sans surprise Nicolas Chevalier. Et ce, même si parfois certains placements à l'emporte-pièce rapportent beaucoup plus qu’un portefeuille diversifié.
C'est très facile, quand un titre va bien, d'extrapoler de façon linéaire dans le futur, puis de continuer à penser que ça va bien aller, mais c'est hélas rarement le cas.
Un arbre, ça ne pousse pas jusqu'au ciel. De temps en temps, il faut le tailler pour laisser de la place à d'autres pouces en dessous […] Les bons principes de jardinage, ça s'applique aussi aux marchés boursiers.
Une citation deNicolas Chevalier, associé principal et gestionnaire de portefeuille chez Pembroke Management