Les Clippers de Los Angeles ont un nouveau stade flambant neuf et maintenant, Kawhi Leonard, James Harden et leurs coéquipiers sont prêts à remplir l'armoire à trophées de la franchise.
J'ai rencontré Gillian Zucker, PDG de Halo Sports, la société mère des Clippers de Los Angeles, par une chaude journée d'été. Nous nous sommes retrouvés sur le quai de chargement situé sous l'Intuit Dome, l'arène alors en construction de l'équipe californienne d'Inglewood. Il y faisait frais. Du jour au lendemain, on a appris que Paul George, l'éternel All-Star de la franchise qui arrivait en fin de contrat, allait rejoindre les 76ers de Philadelphie. George avait rejoint les Clippers aux côtés de Kawhi Leonard en 2019, et il avait aidé l'équipe à participer aux play-offs au cours de quatre de ses cinq saisons sous le maillot de la franchise. C'était, sur tous les plans, un coup dur pour les minces espoirs de titre de l'équipe.
Mais ce jour-là, l'ambiance à l'Intuit Dome était chaleureuse. Il y avait de la joie, du dynamisme, de l'engouement. L'équipe marketing s'est regroupée autour d'une table pliante pour finaliser les objectifs de la saison, tandis que des ouvriers du bâtiment à la tête dure s'affairaient à finir le chantier. L'équipe sera certes peut-être un peu différente de ce qui était prévu pour l'inauguration du stade face aux Phoenix Suns de Kevin Durant ce jeudi 24 octobre. Mais en ce jour d'été, il y avait du travail à faire : un stade à terminer, une équipe à faire jouer et des supporteurs à conquérir.
Le stade est l'œuvre de Steve Ballmer, l'ancien PDG de Microsoft, propriétaire des Clippers depuis 2014, date à laquelle il a versé la somme remarquable de 2 milliards de dollars à un Donald Sterling tombé en disgrâce pour prendre le contrôle de l'équipe. Depuis, il s'est distingué de deux façons. Tout d'abord, en encourageant les Clippers avec ses cheveux en bataille depuis son siège au premier rang. Mais surtout en ne lésinant pas sur les moyens pour faire des Clippers - qui furent pendant longtemps le vilain petit canard du basketball à Los Angeles - une franchise de renommé mondiale. Et rien ne symbolise plus ce changement de statut espéré par les Clippers que cette nouvelle arène, dont le coût de construction est estimé à 2 milliards de dollars.
Entre 1999 et la saison dernière, les Clippers ont partagé la Crypto.com Arena (anciennement connue sous le nom de Staples Center) avec les Lakers. Mais les deux équipes n'avaient pas la même place dans ce bâtiment. Pour les matchs à domicile, les Clippers devait recouvrir les 17 bannières de champions des Lakers, alors que les Lakers n'avaient pas ce problème pour une bonne raison : les Clippers n'ont jamais remporté de titre et aucun maillot de la franchise n'a été retiré. Même l'atmosphère pendant les matchs était différente. “Je dirais que l'ambiance des Lakers est plus proche de celle d'un spectacle. Tout est sombre, la scène est éclairée”, m'a dit Terance Mann, l'arrière des Clippers. “Nous, c'est plus comme un match de basket.”
Pour certains joueurs, là était l'attrait. Agent libre en 2019, Kawhi Leonard a fait l'objet de rumeurs qui l'envoyaient aux Lakers avant d'opter finalement pour l'autre équipe du Staples Center. “Je voulais intégrer une franchise où je pourrais essayer d'aider à construire un héritage”, m'a-t-il dit au printemps. (Une blessure au genou empêchera Leonard de jouer le début de la saison.)
Si l'Intuit Dome représente un énorme pas en avant pour ce que j'appellerai la Clippers Experience, il est peu probable que les matchs de Leonard calquent la théâtralité d'une nuit avec les Lakers. Mais là n'est pas la question. Ballmer s'est concentré de façon méthodique sur l'expérience des supporteurs afin de proposer une nouvelle façon d'assister à un match de basket. Zucker m'a dit que son projet initial était d'appeler l'arène le FanDome. Un message incrusté dans le béton à l'extérieur de l'entrée disait : “D'un super fan à un autre, bienvenue au Intuit Dome - Steve.”
“Steve était obsédé par l'espace pour les jambes, la largeur du siège, son, l'inclinaison du dossier… Je ne sais même pas combien de sièges il a testés, mais beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup.” Gillian Zucker
Commençons par les poubelles. Je n'ai aucun souvenir de quelconque poubelle d'un stade et je parie que vous non plus. Mais alors que nous nous promenions sur le quai de chargement, Gillian Zucker nous a montré un régiment de poubelles à trois unités prêtes à être déployées dans l'ensemble du bâtiment. Les déchets organiques, explique-t-elle, sont déposés dans un conteneur entouré d'un autocollant représentant un panier de basket-ball. Un vinyle entoure la poubelle du recyclage. (L'Intuit Dome accueillera également des concerts ; Bruno Mars a baptisé l'endroit en août). Le dessus des bacs est naturellement de la même taille que celui des paniers. et il est incliné pour éviter aux fans de poser des boissons dessus. Zucker estime que ses équipes ont testé une vingtaine de modèles de poubelles avant d'opter pour celui-ci.
Les sièges de l'arène font l'objet de la même attention aux détails. Une véritable obsession. Le bâtiment est partiellement enfoncé dans le sol, à la fois pour respecter les directives aériennes (l'aéroport LAX se trouve à proximité du stade et les avions passent directement au-dessus de nos têtes) et pour permettre à tous les supporters, même ceux qui se trouvent en haut de se sentir dignes en descendant du hall jusqu'à leurs sièges plutôt qu'en les remontant. Ces sièges ont également fait l'objet de tests approfondis : “Je pense que c'est sur ça que Steve a passé le plus clair de son temps”, m'a dit Zucker. “Il était obsédé par l'espace pour les jambes, la largeur du siège, son, l'inclinaison du dossier… Je ne sais même pas combien de sièges il a testés, mais beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup.”
En fait, poursuit-elle, l'équipe est allée jusqu'à installer des tribunes au sommet d'un parking voisin, où ils ont installé des sièges d'essai qu'ils avaient achetés par blocs de six, afin de pouvoir mesurer l'espace pour les jambes ou encore le champ de vision. Zucker se souvient d'une des premières réunions avec Ballmer et un représentant de l'agence d'architecture. “Ils lui ont dit : ‘Steve, vous voulez un stade vraiment très serré et électrique ou vous voulez du confort et de l'espace pour les jambes ?’ Il a répondu : ‘Oui’. Et ils ont réagi comme ça : ‘Non, non, non. C'est l'un ou l'autre.’ Il a répondu : ‘Je viens d'engager les meilleurs architectes du monde. Au boulot.’” En fin de compte, cette arène me semble d'une intimité peu commune, avec ses quelques 18 000 sièges en porte-à-faux aussi près du terrain que possible.
Ballmer n'a pas blagué en choisissant les sièges. Ils sont tous alimentés en électricité, ce qui permet aux supporters de recharger leur téléphone, et une lumière LED télécommandée est intégrée à chaque accoudoir. Juste au-dessus de la LED se trouve un losange de quatre boutons en métal poli, positionnés, conformément à l'héritage Microsoft de Ballmer, comme ceux d'une manette de Xbox. Ces boutons permettront aux fans de s'impliquer davantage dans les jeux traditionnels de jour de match, comme les quiz.
Pour leur permettre de participer pleinement, les Clippers ont fait appel à une société pour concevoir un moteur de jeu qui alimentera le tableau d'affichage en direct. En d'autres termes, alors que le jeu typique du jumbotron de l'arène est préenregistré et que son résultat est déjà connu, les affichages pendant les pauses de l'action à l'Intuit Dome seront alimentés par les fans qui appuieront sur leurs petits boutons. Le jumbotron est d'ailleurs assez remarquable. C'est un “Halo Board” qui encercle la quasi-totalité de l'arène. (À titre de référence, il est presque cinq fois plus grand que le tableau d'affichage du stade AT&T des Cowboys de Dallas à Arlington, au Texas, une référence pour son époque.) “Il m'enthousiasme beaucoup ce Halo Board”, m'a dit le joueur des Clippers Norm Powell. “C'est probablement l'un des trucs les plus fous que j'ai jamais vus dans ma vie.”
“Ce n'est pas le plus grand groupe de supporters de la ligue, mais ce sont des fans très fiers qui sont prêts à tout pour voir leur équipe remporter le championnat, et qui vous soutiennent quoi qu'il arrive.” Ivica Zubac
L'idée est de créer une nouvelle sorte d'expérience, en particulier pour les supporters locaux. La partie de la cuvette située derrière un panier a été baptisée The Wall (le mur). Il s'agit d'un bloc ininterrompu de 51 rangées - environ 4 700 sièges - réservé aux superfans de l'équipe, l'équivalent américain des ultras dans le foot. Cette section est destinée à accueillir exclusivement les fans des Clippers. Les aspirants au poste de “gardien du mur” devront s'inscrire au programme “Chuckmark” de l'équipe (nommé d'après Chuck le Condor, la mascotte de l'équipe), afin de prouver leur bonne foi en tant que fans. (Ils peuvent également perdre l'accès au mur s'ils portent un maillot adverse). L'idée est de satisfaire à la fois les amateurs de basket-ball de Los Angeles et les supporters des Clippers qui ont passé les dernières décennies à vivre une expérience moins qu'idéale dans leur arène. “Ils l'ont mérité”, m'a dit Zucker. “Ils en ont vécu des choses.”
Le pivot Ivica Zubac a joué ses deux premières saisons en NBA avec les Lakers avant d'être transféré dans l'autre franchise de la ville, ce qui lui a permis de comprendre ce qui différencie exactement les supporters des Clippers. “Ce n'est pas le plus grand groupe de supporters de la ligue, mais ce sont des fans très fiers qui sont prêts à tout pour voir leur équipe remporter le championnat, et qui vous soutiennent quoi qu'il arrive”, explique-t-il. “Ces supporters de longue date ont vécu beaucoup de choses avec cette équipe pour être aussi loyaux. Le fait de rester avec les Clippers et de leur être fidèle signifie beaucoup pour les joueurs, et c'est pour ça que j'aime jouer ici et les représenter.”
Je me suis rendu à la Crypto.com fin avril pour assister au deuxième match du premier tour des play-offs des Clippers contre Luka Doncic, Kyrie Irving et les Dallas Mavericks. Je suis passé devant la “Star Plaza” du stade, les statues de légendes du basket dont aucun ne représente des membres des Clippers (sauf si vous comptez Elgin Baylor, qui a été membre de la direction des Clippers... après avoir été 11 fois All-Star sous le maillot des Lakers). J'ai pris place dans la rangée de la presse, le long de la ligne du terrain de basket. Les Clippers avaient remporté le premier match haut la main, mais n'avaient pas réussi à garder le rythme dans le deuxième match, lors duquel Leonard avait été réincorporé à l'équipe après trois semaines d'absences dues à une intervention chirurgicale au genou. Les Mavericks l'ont emporté, 96-93.
Ce match, qui s'est déroulé dans la confusion, a été marqué par de brefs moments de magie basketballistique de la part de Leonard, Paul George et James Harden, et a été à certains égards emblématique de la saison de l'équipe. Les Clippers avaient acheté Harden juste avant le début de l'année et avaient eu du mal à l'intégrer dans la rotation avec son compatriote Russell Westbrook, lui aussi originaire de Los Angeles et futur Hall of Famer. En janvier, l'énigmatique Leonard a signé une prolongation de contrat de trois ans, et il se murmurait alors que George signerait la sienne peu de temps après. En octobre, la ligue s'accordait à dire que les Clippers pourraient prétendre au titre si tout se passait bien. Ils disposaient certainement de l'une des plus fortes concentrations de talents de la ligue. En février, lors de la pause All-Star, la deuxième équipe de Los Angeles semblait être la meilleure de la ville.
Mais l'équipe s'est essoufflée après la pause. Ils ont entamé les play-offs en tant que quatrième tête de série de la Conférence Ouest, mais après avoir remporté le premier match à domicile face aux Mavs, ils ont perdu quatre des cinq matchs suivants, mettant fin à leur saison. C'est à ce moment que George, arrivé contre une rançon de roi du Thunder d'Oklahoma City en 2019, a décidé de partir. Dans les émissions sportives, il était de bon ton de se moquer de la situation des Clippers dans les jours qui ont suivi. Ils avaient tenté d'affirmer leur suprématie en matière de basket-ball et voilà qu'ils devaient se contenter d'annoncer des contrats pour des role players comme Derrick Jones Jr. et Kris Dunn. En gros, les critiques ont été les suivantes : “C'est ce qui leur arrive quand ils se prennent pour les Lakers.”
Mais en passant du temps avec l'équipe ce printemps et cet été, je me suis surpris à réfléchir à l'écart considérable qui s'était creusé entre ce que les Clippers étaient et ce qu'ils sont devenus. J'ai grandi à Los Angeles. Lorsque ma famille allait voir des matchs de basket, nous allions voir les Clippers, car les billets pour les matchs des Lakers étaient beaucoup plus chers. À l'époque, la franchise était une épave. Je me souviens de Pooh Richardson, leur meneur de jeu médiocre et de pas grand-chose d'autre. Nous achetions des billets plutôt en fonction de notre intérêt pour l'équipe visiteuse, et je sais que nous n'étions pas les seuls à le faire.
Les choses ont quelque peu changé au début des années 80, lorsque les Clippers se sont dotés d'une équipe de jeunes joueurs hyperathlétiques et très cool. Assez pour aboutir à l'une des couvertures l'une des couvertures les plus cool de l'histoire des magazines. Les Clippers ont vu passer des joueurs comme Lamar Odom, qui était un attaquant d'une habileté époustouflante dans ses années pré-Kardashian, comme Corey Maggete, Elton Brand, Darius Miles et Quentin Richardson, qui s'échangeaient des alley-oops et célébraient leur victoire en se frappant le front avec le poing. (Ces deux-là animent aujourd'hui un podcast intitulé Knuckleheads).
Ce sont d'ailleurs les équipes que les Clippers actuels ont citées lorsque je leur ai demandé quels étaient leurs meilleurs souvenirs de la franchise : “Je me souviens juste de Quentin Richardson, Darius Miles, Lamar Odom”, a déclaré Kawhi Leonard, qui a grandi à Riverside, à quelque 80 km à l'est de l'Intuit Dome. “C'étaient des durs à cuire. C'était vraiment génial de voir ces gars commencer leur carrière ici et passer à un niveau supérieur”, se souvient Terance Mann. “Ils s'habillaient comme il faut - ils suivaient la vague Allen Iverson des bandeaux, des manches de bras, des tatouages, des baskets cool.”
“Depuis que je suis ici, les Clippers sont passé au niveau supérieur. Peu d'équipes dans la ligue investissent autant, en mettant tous leurs efforts et leurs ressources pour améliorer l'équipe sous tous ses aspects.” Ivica Zubac
Ces Clippers, m'a dit Quentin Richardson, acceptaient le fait que LA était la ville des Lakers. “Nous étions les petits frères de la ville, parce que Shaq et Kobe étaient en train de faire un triplé”, se souvient-il. “Nous étions fiers de nous tailler notre propre petit coin de la ville qui était en train de vibrer.” Comme me l'a rappelé Darius Miles, les Clippers étaient appréciés en partie parce que l'équipe s'engageait dans la ville d'une manière unique : “Nous étions présents dans des endroits où vous n'auriez jamais vu un joueur des Lakers”, a-t-il déclaré. “Nous faisions la plupart de notre travail communautaire dans les quartiers. Nous étions tout le temps au centre commercial. Nous allions à des matchs de lycée, dans les universités. Les Lakers, on les voyait juste à la télé, on ne les voyait pas vraiment dehors.”
En coulisses, les choses étaient plus sombres. Donald Sterling, propriétaire de longue date, dirigeait l'équipe d'une main de fer, une main ridée et problématique, amenant souvent des invités pour reluquer “mes joueurs” dans les vestiaires après les matches. (Cette période est décrite dans la récente série Clipped de la chaîne FX). Mais depuis que Ballmer a repris le flambeau, en 2014, il a fait une sorte de grand nettoyage.
L'équipe qu'il a reprise c'était celle où Chris Paul lançait des “alley-oops” à profusion à Blake Griffin et DeAndre Jordan. Ballmer a supervisé la fin de cette ère et le début de l'actuelle ère George-Leonard, tout en se préparant à donner aux Clippers leur propre maison. Zucker a été embauché en 2014 sans s'attendre à ce que l'équipe construise une arène, mais l'année suivante, l'équipe a commencé à discuter de ce qui deviendrait l'Intuit Dome. Les joueurs apprécient. “Depuis que je suis ici, les Clippers sont passé au niveau supérieur”, a déclaré Ivica Zubac. “Peu d'équipes dans la ligue investissent autant, en mettant tous leurs efforts et leurs ressources pour améliorer l'équipe sous tous ses aspects.”
Et si les Clippers ont eu du mal à dépasser le deuxième tour des play-offs sous le mandat de Ballmer, l'équipe n'a jamais été en dessous des 50% de victoire en saison. Soit un retournement de situation sous-estimé pour une équipe que le magnat des médias sportifs Bill Simmons (un abonné de longue date) a décrite en 2009 comme “maudite pendant 33 années consécutives”.
La question, en fin de compte, n'est pas de savoir si les Clippers peuvent faire mieux que les Lakers. C'est se mettre le doigt dans l'œil. C'est une erreur. Il s'agit plutôt de savoir si les Clippers peuvent se forger une identité propre, liée à la victoire. Il me semble que l'Intuit Dome n'est pas la dernière étape de ce processus. Au contraire, l'Intuit Dome est un premier pas pour sortir de l'ombre des Lakers. Là est l'enjeu.
Même s'il faut au moins quelques superstars pour remporter un titre NBA, il suffit d'une équipe composée de joueurs avec lesquels les fans se sentent liés et d'un endroit familier pour fidéliser les habitants d'une ville. “Je n'aurais jamais pensé que les Clippers auraient le meilleur stade de la NBA”, m'a dit Miles. Et pourtant, nous y voilà. Tout ce qu'il reste à faire maintenant, c'est de remplir l'armoire à trophées.
Initialement publié sur GQ US
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