Récit Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleur montage et meilleure actrice : le long-métrage de Sean Baker participe au sacre inattendu du cinéma indépendant dans une cérémonie où planait l’ombre d’une crise hollywoodienne.
Les « Vive le cinéma indépendant ! » scandés à chaque trophée remporté par « Anora », ce triomphateur inattendu à pareille échelle, auront dessiné les contours du palmarès de cette 97ecérémonie des Oscars, dans la nuit du dimanche 2 au lundi 3 mars.
Non seulement le film de Sean Baker l’a emporté dans les principales catégories auxquelles il concourait (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original, meilleur montage et meilleure actrice), mais ses victoires s’additionnent au résultat remarquable de « The Brutalist » de Brady Corbet, autre challenger produit à la marge de l’industrie, lauréat de la meilleure musique originale, meilleure photographie et du meilleur acteur pour Adrien Brody – son deuxième Oscar, vingt-deux ans après le sacre du « Pianiste » de Roman Polanski.
Au-delà des qualités de chacun de ces films, cette mainmise du cinéma d’auteur pur et dur sur l’extrême majorité des votes dit d’abord une inquiétude hollywoodienne. Les nouveaux paradigmes de production, telles les plateformes – multi-représentées, sinon vantées, lors des éditions précédentes –, ont été cette fois gentiment ignorés des nominations, sinon mis en boîte.
Au sketch (assez drôle) où l’animateur Conan O’Brien fit redécouvrir les vertus des projections publiques à un public aliéné par l’usage compulsif du streaming, s’est ajouté le discours offensif de Sean Baker quant à l’exploitation menacée des films en salle. Fleuron du cinéma new-yorkais, « Anora », qui a également obtenu la Palme d’or en 2024 à Cannes, est le type d’œuvre à profiter de cette valeur-refuge.
Il en va de même pour « The Brutalist », fresque de plus de trois heures tournée en VistaVision, procédé cousin du CinemaScope dans les années 1950 pour doper à l’époque le pouvoir d’attraction des salles et mis à mal par l’émergence de la télévision.
Hollywood privilégie les lignes claires
Deux propositions radicales plébiscitées au détriment d’« Un parfait inconnu », grand perdant du soir malgré le prestige rassembleur de Bob Dylan, le caractère consensuel du réalisateur James Mangold et l’attractivité d’une star du calibre de Timothée Chalamet, dont le « Dune 2 », également en lice, n’a gagné que des Oscars techniques.
« The Substance » de Coralie Fargeat n’a pas davantage brillé, décrochant uniquement le trophée du meilleur maquillage, pendant que Demi Moore, sa star à l’ancienne, s’inclinait devant la fraîcheur et l’humilité de Mikey Madison, meilleure actrice pour son rôle de strip-teaseuse dans « Anora ». Constat sans ambages : Hollywood a privilégié la ligne claire d’une fable sociale aux hybridations gore-fantastiques d’une satire qui sonde les rouages de l’industrie.
Toujours côté français, « Emilia Pérez », le film de Jacques Audiard, ex-grand favori, court-circuité voici quelques semaines par l’exhumation des tweets racistes de son interprète Karla Sofía Gascón, a sauvé l’honneur en décrochant l’Oscar de la meilleure chanson originale (signée Camille et Clément Ducol) et surtout celui du meilleur second rôle féminin pour Zoe Saldana. Entre émotion et colère, la comédienne a rappelé son ascendance dominicaine au cours d’une soirée où les allusions à Donald Trump, régulières mais feutrées, trahissaient la crainte diffuse de ne pas creuser davantage les divisions au sein du pays.
LE PALMARÈS DE LA 97ᵉ CÉRÉMONIE DES OSCARS
• Meilleur film : « Anora »
• Meilleur réalisateur : Sean Baker, « Anora »
• Meilleur acteur : Adrien Brody, « The Brutalist »
• Meilleure actrice : Mikey Madison, « Anora »
• Meilleur acteur dans un second rôle : Kieran Culkin, « A Real Pain »
• Meilleure actrice dans un second rôle : Zoe Saldana, « Emilia Pérez »
• Meilleur scénario original : Sean Baker, « Anora »
• Meilleur scénario adapté : Peter Straughan, « Conclave »
• Meilleur film international : « Je suis toujours là » (Brésil)
• Meilleur film d’animation : « Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau »
• Meilleur documentaire : « No Other Land »
• Meilleur court-métrage : « I’m Not a Robot », Victoria Warmerdam et Trent
• Meilleur court-métrage d’animation : « In the Shadow of the Cypress », Shirin Sohani et Hossein Molayemi
• Meilleur court-métrage documentaire : « The Only Girl in the Orchestra », Molly O’Brien et Lisa Remington
• Meilleure chanson originale : Clément Ducol et Camille, « El Mal », dans « Emilia Pérez »
• Meilleure musique originale : Daniel Blumberg, « The Brutalist »
• Meilleur montage : Sean Baker, « Anora »
• Meilleure photographie : Lol Crawley, « The Brutalist »
• Meilleurs costumes : Paul Tazewell, « Wicked »
• Meilleur maquillage et coiffure : Pierre-Olivier Persin, Stéphanie Guillon et Marilyne Scarselli, « The Substance »
• Meilleurs décors : Nathan Corwley et Lee Sandales, « Wicked »
• Meilleur son : Gareth John, Richard King, Ron Bartlett et Doug Hemphill, « Dune 2 »
• Meilleurs effets spéciaux : Paul Lambert, Stephen James, Rhys Salcombe et Gerd Nefzer, « Dune 2 »
Par Guillaume Loison
<p>Une juge californienne a estimé mardi que le patron de Tesla, SpaceX, X et xAI (start-up rivale d'OpenAI) n'a pas apporté de « preuves suffisantes »...