Retour sur la carrière impressionnante du maestro.
Giorgio Armani, le créateur des tailleurs qui a défini les années 1980, nous a quittés. Il avait fêté ses 91 ans le 11 juillet dernier. Son décès a été confirmé par sa marque.
Giorgio Armani, l'empereur de la mode italienne
“C'est avec une infinie tristesse que le groupe Armani annonce le décès de son créateur, de son fondateur et de son infatigable vigueur : Giorgio Armani,” indique un communiqué. “Il Signor Armani, comme il était toujours appelé avec respect et admiration par ses collaborateurs, est décédé paisiblement, entouré de ses proches. Infatigable jusqu'au bout, il a travaillé jusqu'à ses derniers jours, se consacrant à l'entreprise, aux collections et aux nombreux projets en cours.”
Sans conteste le créateur de mode italien le plus couronné de succès de l'histoire, Giorgio Armani fut également l’un des businessmen les plus accomplis. Il était l'unique actionnaire de son entreprise éponyme, Giorgio Armani S.p.A, dont les activités dépassaient largement la mode et touchaient également à l'hôtellerie, aux objets pour la maison et même à la chocolaterie. Fondée en 1975 avec les fonds issus de la vente de sa Volkswagen Coccinelle, l'entreprise a généré un chiffre d'affaires de 2,1 milliards d'euros en 2019 et emploie environ 8000 personnes dans le monde. La fortune personnelle de Giorgio Armani était estimée à 11 milliards de dollars. Fait remarquable, lorsqu'il fonda sa société, il avait 40 ans ; ce qui signifie qu’il ne lui fallut que sept ans pour passer de l'anonymat à la une de Time Magazine, Saint Graal de la reconnaissance.
Les débuts du créateur
Giorgio Armani commence à créer des vêtements pour femmes et hommes en tant qu'indépendant au début des années 1970, après six années passées en tant que protégé du tailleur Nino Cerruti, pour lequel il travaille sur la ligne de vêtements de sport Hitman. Auparavant, il avait œuvré sept ans dans le grand magasin La Rinascente à Milan, comme décorateur de vitrines puis acheteur adjoint. Il ouvre son propre studio de création grâce au soutien de son partenaire de vie et d'affaires, l'architecte Sergio Galeotti. Comme il le déclarait à GQ en 2015 : “Sergio m'a fait croire en moi. Il m'a fait voir le monde en grand.” Ensemble, ils fondent l'entreprise (Sergio Galeotti en est le président et coactionnaire ) avec Irene Pantene (toujours en poste à ce jour), et présentent leur première collection femme inscrite au calendrier de la Camera della Moda pour l'automne-hiver 1976-1977. Une collection pour laquelle ils obtiennent un contrat de distribution avec Barneys.
Lors de ce premier défilé officiel, le créateur présente douze mannequins vêtues de vestes d'homme déstructurées, légères et souples, déjà montrées avec des tenues pour hommes lors d'un défilé mixte de 60 silhouettes en janvier. À la fin, les douze mannequins défilent une dernière fois, puis s'arrêtent et dansent sur une musique diffusée depuis les coulisses par Sergio Galeotti. Giorgio Armani faisait déjà parler de lui sur la scène émergente de la mode milanaise grâce à ses blousons de cuir souples et sportifs pour hommes, et ces premières collections pour femmes suscitèrent un intérêt similaire auprès de la presse.
Sa réputation traverse alors rapidement l'Atlantique. En avril 1978, Diane Keaton porte une veste Armani pour recevoir l'Oscar de la Meilleure Actrice, première d'une série de trois expositions médiatiques inestimables. Suivra l'événement qui marquera à jamais la légende Armani : le rôle central des vêtements du maestro dans le film American Gigolo, sorti en février 1980, où Richard Gere apparaît vêtu en Armani. Comme le disait le créateur au magazine 1843 de The Economist en 2017 : “À l’époque, tout le monde voulait savoir ce que Gere portait. Cela m'a fait connaître instantanément.” Ce coup de pub incroyable tient à la recommandation du manager de John Travolta, initialement prévu pour le rôle. Lorsque ce dernier se retire, le réalisateur Paul Schrader engage Richard Gere mais conserve la garde-robe Armani prévue pour le rôle.
Au moment où les États-Unis sont au sommet, Giorgio Armani propose une vision organique et sophistiquée du chic aux épaules souples et aux teintes douces. Ses nouvelles lignes Emporio Armani et Armani Jeans rendent son style accessible à un public plus large. Plus que tout autre créateur milanais (à l'exception notable de Gianni Versace), le créateur italien devient rapidement synonyme de mode italienne dans l'imaginaire. “À l'époque, tout allait très vite”, déclarait Armani en 2017. Grace Jones porte Armani sur la couverture de son album Nightclubbing en 1981, à partir d'une collection d'inspiration japonaise. Viennent ensuite la couverture de Time Magazine et, en 1984, les premiers épisodes de la série télévisée des années 80 Miami Vice.
L'après Sergio Galeotti
Mais en 1985, une tragédie personnelle vient interrompre l'ascension constante du créateur : Sergio Galeotti décède d'une maladie (présentée à l'époque comme une maladie cardiaque). “Nous avons vécu sans dire un mot de sa maladie, sans qu’elle ne pèse trop sur nos vie”, déclarait Armani à New York Magazine onze ans plus tard. « Il ne m'a jamais vu pleurer. Lui-même n'a jamais rien dit. En un an, il a dit une fois : ‘Giorgio, regarde comme j'ai maigri’, c'est tout. »
Ce deuil l'affecte profondément, mais son entreprise poursuit sa croissance. Il trouve en Gabriella Forte, qui avait négocié l'accord avec Barneys de New York en 1976 et œuvré au développement du marché américain dès 1979, une alliée déterminée qui parlera souvent en son nom dès 1985. Parmi les recrutements clés figurent également la responsable RP Noona Smith-Peterson, restée huit ans dans la maison, la coordinatrice d'événements spéciaux Lee Radziwill, ou encore Wanda McDaniel, journaliste du Missouri devenue ambassadrice de la marque à Los Angeles, embauchée par Forte en 1987.
Si les années 1980 forgent l'image d'Armani, il continue à influer sur la mode dans les décennies suivantes, notamment dans le vestiaire masculin. Pour le printemps-été 1990, il propose une version du costume “sack suit” à trois boutons, revers plus hauts, épaules étroites mais toujours souples, qu'il nomme “The Natural”, et qui deviendra une silhouette dominante des années à venir. Ni Prada, ni Calvin Klein ne parviendront à en freiner le succès. La même année sort le documentaire Made in Milan, monté par Martin Scorsese, dans lequel Giorgio Armani déclare : "La société change et je change avec elle. J'essaie de filtrer mes idées à travers une réalité quotidienne.”
Une croissance sans fin ?
Entre 1990 et 1995, l'entreprise connaît une croissance rapide, mais le créateur en ressent le poids. Il dira plus tard de cette période : “Je ne pouvais plus prendre de risques comme avant, et je ne pouvais pas me permettre de ne pas vendre : je ne pouvais même pas me permettre une baisse des ventes. Mes créations sont devenues une responsabilité commerciale.” De nouvelles lignes sont lancées (dans le secteur du sommeil, de la beauté) et la croissance se poursuit. La fin des années 1990 voit une concurrence accrue, avec Calvin Klein, Prada, un Gucci revitalisé, et les ambitieux Dolce & Gabbana.
Au moment du 25e anniversaire de la marque et de la rétrospective de 2001 au Guggenheim, qui attire environ 29 000 visiteurs par semaine, Giorgio Armani reste puissant et influent, sans être au centre de l'actualité mode. Au début des années 2000, il lance sa chaîne d'hôtels et prend le contrôle de ses unités de production pour garantir une intégration verticale. Là où il ne peut produire lui-même, il concède des licences, mais seulement s'il en garde le contrôle final ; condition qui entraînera la rupture avec le très rentable partenariat avec Luxottica.
Il aurait, dit-on, été approché à plusieurs reprises par des fonds d'investissement privés et d'autres acteurs désireux de participer à l'essor précoce de la concentration dans le secteur du luxe. Pourtant, il choisit de conserver la maison qu'il avait bâtie comme sienne, et sienne uniquement. Il a raconté un jour que trois investisseurs lui avaient demandé un rendez-vous avec leur banquier. Giorgio Armani déclara : “Il était l'homme le plus puissant de la banque italienne et, tandis que les autres parlaient, il restait assis là, sans dire un mot. Puis il les regarda et dit : ‘Mes chers messieurs, M. Armani n'a pas besoin de nous. Partons.'”
Une question de style, pas de mode
Giorgio Armani resta un annonceur fidèle dans la presse spécialisée (l'appel décisif de Barneys en 1976 survint après que l'enseigne eut vu sa première campagne dans L'Uomo Vogue), mais ses collections devenaient, avec le temps, davantage le reflet de sa propre vision que de l'air du temps. Une telle était la force de son nom qu'il avait fini par dépasser les limites de cette presse, et même du système de la mode dans son ensemble. Comme l'a un jour souligné Franca Sozzani, ancienne rédactrice en chef de Vogue Italia, aujourd'hui disparue : “Comme tous les très grands créateurs de l'histoire de la mode, Giorgio Armani est une question de style, pas de mode. Ils trouvent leur style, s'y tiennent, et c'est exactement ce qu'il a fait.”
Dans ses manières, le créateur italien était parfois considéré comme réservé, voire ombrageux. Lors des traditionnelles conférences de presse post-défilé destinées à la presse italienne, il lui arrivait de lancer une pique rhétorique en direction de Prada ou de Dolce & Gabbana, pour le plus grand amusement général (à l'exception des intéressés). Il expliquait souvent cette attitude par sa timidité. Cela n'empêchait pas que l'image qu'il projetait fût impressionnante, son esthétique personnelle marquée par une forme d'ascétisme. Il accordait une grande importance à sa condition physique.
Une partie de cette apparente sévérité, et sans doute aussi de son sérieux et de sa sobriété générale (bien qu'il ait avoué avoir pris du LSD une fois et s'être enivré une seule fois dans sa vie), trouve probablement son origine dans une enfance marquée par des circonstances difficiles. Il grandit dans la ville de Piacenza, près de Milan, dans les années 1930 et 1940. Sa mère, Mariù (à qui il donna le nom de son yacht adoré) était une matriarche redoutable chargée de protéger Giorgio, sa sœur Rosanna et son frère Sergio pendant les bombardements alliés. Leur père, Ugo, comptable d'origine arménienne, eut beaucoup de mal à retrouver du travail après la guerre. L'un des amis d'enfance de Giorgio fut tué par une explosion (une mine ou de la poudre) sur un site bombardé de Piacenza, incident qui le laissa grièvement blessé et nécessita un séjour de quarante jours à l'hôpital. Cet événement le poussa à envisager, dans un premier temps, une carrière de médecin, avant d'effectuer son service militaire puis de s'installer à Milan, la ville qui allait le consacrer et à laquelle il devait tant apporter.
Giorgio Armani travailla jusqu'au bout. Même dans ses dernières collections, il vérifiait personnellement chaque silhouette avant de faire entrer ses mannequins sur le podium, dans le théâtre conçu pour lui par le célèbre architecte japonais Tadao Ando.
Un jour, il a déclaré que sa devise était : “Le perfectionnisme, et le besoin d'avoir toujours de nouveaux objectifs à atteindre, est un état d'esprit donne un sens et une profondeur à la vie.”
Selon le communiqué de l'entreprise, les obsèques auront lieu au Teatro Armani, à Milan, du samedi 6 septembre au dimanche 7 septembre, et seront accessibles au public de 9h à 18h.
Article publié initialement sur Vogue US
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