Le première exposition dans les nouvelles galeries permanentes du Costume Institute au Met se concentre sur les liens entre corps et vêtement.
Par Nicole Phelps
La mode sort enfin du sous-sol au Metropolitan Museum of Art. Annoncée aujourd'hui, “Costume Art”, l'exposition du printemps 2026 du Costume Institute, marquera l'inauguration des galeries Condé M. Nast, un espace de près de 1 100 m² adjacent au Grand Hall du Met. “C'est un moment historique pour le Costume Institute”, déclare Andrew Bolton, son conservateur en chef. “Ce sera une transformation pour notre département, mais je crois aussi que cela va transformer notre façon de voir la mode. Un musée d'art comme le Met lui accorde enfin une place centrale.”
On peut (enfin) la voir en vrai lors de l'exposition anniversaire de la maison autrichienne à Los Angeles !
Le titre de l'exposition : “Costume Art”
Pour célébrer cette étape, Andrew Bolton a imaginé une exposition qui aborde "la centralité du corps habillé dans l'immense collection du musée”, en associant peintures, sculptures et autres objets couvrant les 5 000 ans d'art représentés au Met à des vêtements historiques et contemporains issus du Costume Institute.
“Ce qui relie chaque département de conservation et chaque galerie du musée, c'est la mode, ou le corps habillé”, explique Andrew Bolton. “C'est le fil conducteur de tout le musée, et c'est ce qui a inspiré l'idée initiale de l'exposition. Je sais que nous avons souvent été perçus comme l'enfant mal-aimé des arts, mais en réalité, le corps habillé est au premier plan dans chaque galerie du musée. Même le nu n'est jamais véritablement nu : il est toujours chargé de valeurs et d'idées culturelles.”
La division entre art et mode persiste obstinément malgré des expositions comme "Heavenly Bodies : Fashion and the Catholic Imagination”, la plus visitée de l'histoire du Met avec 1,66 million de visiteurs. Andrew Bolton estime que cette hiérarchie perdure précisément en raison du lien indissociable entre le vêtement et le corps. “L'acceptation de la mode comme forme d'art s'est faite selon les termes mêmes de l'art. Elle repose sur la négation du corps, et sur l'idée que l'esthétique relève d'une contemplation désincarnée et détachée.”
Traditionnellement, reconnaît Andrew Bolton, les expositions du Costume Institute ont mis l'accent sur l'attrait visuel des vêtements, reléguant les mannequins à l'arrière-plan ou sous les vêtements. Son idée pour “Costume Art” est d'insister sur l'importance du corps, ou “le lien indissociable entre nos corps et les vêtements que nous portons”. La mode, affirme-t-il, “possède même un avantage sur l'art, car elle relève de l'expérience vécue, incarnée.”
Le corps à l'honneur
Le conservateur a organisé l'exposition autour d'une série de types de corps thématiques, répartis en trois grandes catégories : des corps omniprésents dans l'art, comme le corps classique ou le corps nu ; d'autres types de corps plus souvent négligés, comme les corps vieillissants ou les corps enceints ; et des corps plus universels, comme le corps “anatomique”. La vision du corps proposée par Andrew Bolton est bien plus large que celle que promeut souvent l'industrie de la mode, avec ses mannequins filiformes et ses tailles limitées. “L'idée était de réinscrire le corps dans les discussions sur l'art et la mode, et de l'embrasser, non de l'effacer pour élever la mode au rang d'art”, explique-t-il.
L'exposition a d'ailleurs été justement conçue par Miriam Peterson et Nathan Rich de l'agence new-yorkaise Peterson Rich Office afin de mettre en valeur les vêtements. Dans la salle aux hauts plafonds des galeries Condé M. Nast (il y en existe une autre avec un plafond plus bas), les vêtements seront exposés sur des mannequins perchés sur des socles de près de deux mètres, sur lesquels seront intégrées des œuvres d'art. “Dès qu'on entre, le regard est immédiatement happé par les vêtements”, note Andrew Bolton.
Autre particularité du projet : l'artiste Samar Hejazi a été invitée à créer des têtes en miroir pour les mannequins. “J'ai toujours voulu tenter de rapprocher le visiteur et le mannequin”, explique Andrew Bolton. “Un mannequin dont le visage est un miroir. Il s'agit en partie de réfléchir à l'expérience vécue des corps que l'on observe, mais aussi à sa propre expérience, de favoriser l'empathie et la compassion.” Mais pour aller plus loin encore, le musée fera également mouler de vrais corps pour incarner les vêtements. “Tout au long du parcours, l'exposition remettra en question les conventions normatives et proposera en retour une représentation plus diversifiée de la beauté.”
“Costume Art” est la première exposition d’Andrew Bolton dépourvue de sous-titre. La sobriété du titre renforce son objectif : affirmer que la mode doit être considérée à égalité avec l'art. “J'y ai longuement réfléchi”, confie le conservateur. Il y a encore deux semaines, l'exposition comportait un sous-titre. “Mais nous l'avons retiré, et c'était comme enlever un corset”, plaisante-t-il. “Je me suis dit : voilà, c'est exactement ce qu'il faut. C'est audacieux, c'est fort, c'est un statement. Le but n'est pas de créer une nouvelle hiérarchie, mais de dissoudre l'ancienne et de mettre l'accent sur l’équivalence des œuvres et équivalence des corps.”
Rendue possible grâce au soutien de Jeff et Lauren Bezos, ainsi qu'au financement de Saint Laurent et de Condé Nast, "Costume Art" se tiendra du 10 mai 2026 au 10 janvier 2027, à la suite du Met Gala du 4 mai 2026, qui constitue la principale source de financement du Costume Institute.