Près de 20 % du fentanyl saisi à la frontière depuis trois ans provenait des États-Unis

Environ 20 % des quantités de fentanyl qui ont été interceptées par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) au cours des trois dernières années provenaient des États-Unis, selon des données officielles compilées par Radio-Canada.

Depuis 2022, l’agence fédérale a saisi près de 9,5 kilogrammes de fentanyl aux points d’entrée officiels au Canada, révèlent ces données, qui incluent les quantités saisies aussi bien à l’importation qu’à l’exportation, selon Jacqueline Roby, porte-parole de l’ASFC.

Sur ces 9,5 kg, un peu plus de 2 kg proviennent des États-Unis, ce qui représente environ 20 % de la totalité des quantités saisies au cours des trois dernières années.

La quantité de fentanyl saisie en provenance du voisin du sud a toutefois beaucoup fluctué depuis 2022. En 2023, par exemple, seulement 660 grammes de fentanyl ont été saisis aux postes frontaliers, mais, de cette quantité, 471 grammes provenaient des États-Unis, soit 71 % du total. En 2024, ce taux est tombé à 10,78 %. Cette année-là, seulement 532 grammes sur les 4,9 kilogrammes saisis provenaient des États-Unis.

 

 

L’ASFC ne précise toutefois pas la liste des autres pays d’où proviennent les quantités de fentanyl interceptées à la frontière canadienne, mais Radio-Canada a déjà rapporté dans plusieurs de ses reportages l’implication de groupes criminels locaux et étrangers, y compris des cartels mexicains.

Par ailleurs, dans une note confidentielle rédigée au printemps 2024 pour le ministre de la Sécurité publique et récemment obtenue au moyen de la Loi sur l’accès à l'information, le Canada est devenu un important producteur de comprimés de fentanyl, à l’aide de précurseurs chimiques issus majoritairement de la Chine.

Le président américain Donald Trump, qui menace depuis des mois d’imposer des tarifs douaniers sur les importations canadiennes, justifie sa décision en accusant Ottawa de ne pas en faire assez pour lutter contre le trafic de fentanyl vers son pays.

Jeudi, il s’est dit insatisfait des mesures prises par le Canada pour combattre ce fléau, tout en réaffirmant qu’il avait toujours l’intention d’imposer des tarifs de 25 % sur les produits canadiens à partir du 4 mars.

Les drogues continuent d’affluer, tuant des centaines de milliers de personnes, a-t-il dit lors d’un point de presse dans le bureau ovale. Les Canadiens devraient intercepter beaucoup plus de fentanyl à la frontière, car une grande partie de cette drogue passe [aux États-Unis] par le Canada, a-t-il encore accusé.

Les autorités canadiennes ont souvent répété que la quantité de fentanyl interceptée aux points d’entrée à destination des États-Unis représentait moins de 1 % de la totalité des drogues saisies en sol américain.

Cependant, dans les faits, il est impossible de connaître le véritable volume de fentanyl exporté vers les États-Unis ou importé vers le Canada, vu que les données officielles ne concernent que les quantités saisies à la frontière et ne tiennent pas compte du transit illégal.

 

Pour tenter d’apaiser les inquiétudes de Donald Trump, le gouvernement de Justin Trudeau a présenté un plan d’une valeur de 1,3 milliard de dollars, en décembre dernier, pour renforcer la sécurité à la frontière.

Plus récemment, le premier ministre a nommé un commissaire à la lutte contre le fentanyl et annoncé la création d’une force de frappe conjointe entre le Canada et les États-Unis pour combattre ce fléau.

Vendredi, les autorités canadiennes ont indiqué que de nouvelles mesures avaient été mises en place pour lutter contre la production de fentanyl et sévir contre le crime organisé, menaçant les trafiquants de certains précurseurs chimiques d’opioïdes de sanction pénales.

Renforcement des mesures contre le trafic de drogue

Jeudi, l’ASFC annonçait le lancement d’une opération de sécurité visant à lutter contre le trafic de fentanyl qui entre au Canada et qui en sort.

Depuis le début du mois de février, l’ASFC indique par ailleurs avoir effectué six saisies totalisant 56,1 g de fentanyl, dont celle de 20 comprimés de fentanyl et de 23 g d'une substance soupçonnée d'être du fentanyl auprès de deux citoyens américains au point d'entrée du tunnel Windsor-Détroit.

Interrogée sur le sort de ces ressortissants américains, la porte-parole de l’agence frontalière a affirmé que les stupéfiants saisis ont été remis à la Gendarmerie royale du Canada [GRC] et que les deux ressortissants américains ont été renvoyés aux États-Unis. L’une de ces personnes a fait l’objet d’un ordre de comparution devant le tribunal par la GRC, toujours selon Mme Roby.

Mercredi, la GRC a affirmé avoir arrêté 524 personnes entre le 9 décembre et le 18 janvier dans le cadre d’une grande rafle impliquant 489 incidents liés au fentanyl et aux opioïdes synthétiques à travers le pays.

Radio-Canada a tenté de connaître le nombre de ressortissants américains qui ont été arrêtés au cours de cette rafle, mais la GRC n’avait toujours pas répondu à nos questions à la publication de ces lignes.

Au total, en un mois, la GRC dit avoir saisi 46,17 kg de fentanyl, ainsi que 15 765 comprimés de fentanyl et d'autres opioïdes synthétiques (benzimidazole, izonitazène, hydromorphone et oxycodone), en plus de 44,7 kg de méthamphétamine, 29,61 kg de cocaïne, 122 armes à feu et 33 véhicules volés.

Comment la GRC a-t-elle pu saisir plus de 46 kg de fentanyl en un seul mois, alors que l’ASFC n'en a saisi que 9,5 kg en trois ans? À cette question, Mme Roby précise que même si l’agence et la police fédérale collaborent de manière étroite pour assurer la sécurité du pays, le mandat de la GRC concerne l'ensemble du territoire canadien et pas seulement la frontière.

L’ASFC est responsable de l’application de la loi aux points d’entrée désignés au Canada, et la GRC, de l’application des lois canadiennes entre les points d’entrée, à l’intérieur du Canada, et notamment lors des enquêtes sur les laboratoires qui produisent du fentanyl, indique la porte-parole de l’agence.

Jeudi, au cours d'un point de presse devant la Maison-Blanche, la présidente de l’ASFC, Erin O'Gorman, a dit que les petites quantités de fentanyl saisies aux points d’entrée du Canada correspondent aux quantités déjà interceptées par le passé.

Mais le fentanyl étant ce qu'il est, de très petites quantités peuvent tuer, a-t-elle ajouté. Nous poursuivons notre travail, donc, tous les jours.