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États-Unis : après 35 ans en prison et une série Netflix, les frères Menendez espèrent être libérés

Auteur: Cyrielle CABOT Source: France 24::
Avril 17, 2025 at 13:23
Erik Menendez, à gauche, et Lyle Menendez. © AP
Erik Menendez, à gauche, et Lyle Menendez. © AP

En 1989, les parents de Lyle et Erik Menendez sont retrouvés morts dans leur villa, à Los Angeles. Les deux frères reconnaissent leur culpabilité et sont condamnés à la prison à vie. Trente-cinq ans après les faits, de nouveaux éléments dans l'enquête et une série Netflix poussent la justice américaine à réexaminer l'affaire, laissant les deux hommes avec l'espoir d'une libération conditionnelle. Récit.

Lyle et Erik Menendez seront-ils libérés, 35 ans après leur condamnation à la prison à vie ? Un tribunal de Los Angeles doit se prononcer à partir du jeudi 17 avril sur un éventuel allègement de peine pour ces deux frères de 54 et 57 ans accusés d'avoir tué leurs parents en 1989. Un tournant majeur dans cette affaire qui avait choqué l'Amérique. Mise en images dans une série Netflix, elle est devenue au fil du temps un symbole de l'évolution des regards sur les violences sexuelles après #MeToo.

De la piste mafieuse au parricide

Le 20 août 1989, Lyle Menendez appelle le 911, le numéro d'urgence aux États-Unis. "Quelqu'un a tué mes parents", alerte-t-il, en pleurs. Peu après, les forces de l'ordre et les secours pénètrent dans le domicile de la famille, une grande villa du quartier huppé de Beverly Hills, à Los Angeles. Dans le salon, ils découvrent les corps de José, 45 ans, et Mary Louise Menendez, 47 ans, criblés de balles. C'est un bain de sang.

Devant la scène, le mystère est d'abord entier. Aucune arme, aucune empreinte : les indices sont inexistants. Un crime si "parfait" que les enquêteurs, après avoir penché un temps pour un cambriolage qui aurait mal tourné, préfèrent envisager la piste mafieuse. Les deux frères abondent en ce sens, assurant que leur père, qui a fait fortune dans le monde du divertissement, avait des relations et des activités douteuses, relate à l'époque le New York Times.

Mais, rapidement, les soupçons viennent finalement se porter sur Lyle et Erik, alors âgés respectivement de 21 et 18 ans. Le mobile avancé par les enquêteurs ? La fortune familiale, estimée à 14 millions de dollars. Il faut dire qu’ils ont une façon de faire leur deuil peu conventionnelle : ils dépensent sans compter, apparaissent au volant d'une Porsche flambant neuve, montres Rolex au poignet, se paient des restaurants gastronomiques ou encore un coach de tennis à 50 000 dollars l'année.

La vérité éclate en mars 1990 lorsque le frère cadet avoue tout lors d'une séance de psychothérapie. La conversation était enregistrée. Il est arrêté le 8 mars devant la maison familiale. Son frère est interpellé deux jours plus tard.

Un procès hautement médiatisé

Le procès de Lyle et Eric Menendez s'ouvre à Los Angeles le 20 juillet 1993. Immédiatement, il connaît un immense retentissement médiatique, aussi bien aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde. L'affaire fait la une des journaux pendant que, grâce à la jeune chaîne nationale Court TV, les audiences judiciaires font partie des premières à être retransmises en direct à la télévision.

Partout, on parle de l'histoire de cette "famille parfaite", de cet exemple du "rêve américain" qui a tourné au cauchemar. Le père, José Menendez, né à Cuba, était arrivé aux États-Unis après la révolution de 1959 en décrochant une bourse universitaire grâce à ses talents de nageur. Quelques années plus tard, il s'était marié avec une reine de beauté, "Kitty". Diplômé en comptabilité, il avait travaillé chez Hertz, puis dans une maison de disques de renom avant de construire sa fortune en devenant vice-président chez Carolco Pictures, la société de production à l'origine du film "Rambo".

À la barre, les deux frères reconnaissent et ne nient à aucun moment avoir tué leurs parents. Mais c'est autour du motif du meurtre que l'affaire prend toute son ampleur. De son côté, le ministère public est formel : ils ont tué leurs parents pour toucher l'héritage. Preuve en est : ils ont soigneusement préparé leur acte et nettoyé la scène du crime.

Erik, Lyle et leurs avocats plaident, eux, la légitime défense. À la barre, les deux hommes décrivent un père violent, l'accusent de les avoir violés dans leur enfance et dénoncent la complicité de leur mère, présentée comme "dépressive". Le soir du meurtre, affirment-ils, ils ont tenté de les confronter sur ses violences physiques et psychologiques subies pendant des années. José aurait alors menacé de les tuer pour que ce secret ne soit pas révélé au grand jour, obligeant les deux frères à agir pour leur protection.

Devant ces deux théories, les jurés se divisent – on apprendra plus tard que, lors des délibérations à huis-clos, les six femmes du jury se sont opposées à la peine de mort tandis que les six hommes auraient voté pour. Sans parvenir à un accord sur le verdict, le procès est finalement annulé.

Un nouveau procès s'ouvre en octobre 1995. Cette fois-ci, la plupart des éléments concernant de potentielles violences sexuelles ne sont pas retenus. Lyle et Erik Menendez sont finalement reconnus coupables de meurtre et condamnés à la prison à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle.

Le séisme d'une série Netflix

Incarcérés, les deux frères tentent par tous les moyens d'obtenir un nouveau jugement et font appel devant les juridictions de l’État de Californie puis les juridictions fédérales. Une fois toutes les voies épuisées, ils se rendent à l'évidence que le restant de leurs jours se passera en prison. Et l'affaire tombe progressivement dans l'oubli… jusqu'à un nouveau rebondissement, en 2023.

En mai, les avocats des deux frères annoncent être en possession de nouveaux éléments et réclament que l'affaire soit réexaminée. Parmi eux : une lettre écrite par Erik à son cousin en 1988, mais retrouvée en 2015, où il évoque déjà des violences sexuelles commises par son père. En parallèle, le chanteur d’un boys band latino longtemps géré par José Menendez confie, dans un documentaire, avoir lui aussi été violé, adolescent, par le père de famille. Autant de nouvelles preuves, insiste la défense des deux frères, qui démontrent la véracité des accusations de violences sexuelles.

Puis, en septembre 2024, la sortie d'une série sur Netflix, intitulée "Monstres : l'histoire de Lyle et Erik Menendez", suivie d'un long documentaire, finit de relancer la frénésie autour de l'affaire. Après trente ans d'indifférence, de nombreux jeunes, adeptes du "true crime", ce genre documentaire où sont décortiquées les grandes affaires judiciaires, se passionnent sur les réseaux sociaux, partageant leurs avis et leur théorie sur le mobile du meurtre.

 

 

À une différence près : si en 1989, beaucoup avaient balayé d'un revers de main les accusations de violences sexuelles, les considérant comme une excuse facile, cette fois-ci, l'opinion publique prend les propos des deux frères au sérieux et interroge : pourquoi les accusations de viols ont-elles été écartées lors du deuxième procès ?

Dans l'ère post #MeToo, où la parole sur la question se libère, beaucoup ne cachent plus leur empathie. Les deux hommes ne sont plus perçus uniquement comme des coupables mais aussi des victimes de violences sur mineurs. "Ces frères auraient-ils écopé de la même peine de nos jours ?", se demandent les internautes.

Fort de ces nouvelles pièces au dossier et de cet intérêt médiatique, le procureur du comté de Los Angeles George Gascon a accepté en octobre dernier un réexamen de l'affaire et demandé au tribunal de réviser la peine des deux frères. "Je pense que souvent, pour des raisons culturelles, nous ne croyons pas les victimes d’agressions sexuelles, qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes", dénonce-t-il alors.

Le procureur met par ailleurs en avant un autre argument : les deux hommes ont fait preuve, depuis 35 ans, d'un comportement particulièrement exemplaire en prison, aidant notamment de nombreux détenus en créant des groupes de parole.

 

Des manifestants brandissent des pancartes en soutien à Lyle et Erik Menendez, le 20 mars 2025, à Los Angeles.
Des manifestants brandissent des pancartes en soutien à Lyle et Erik Menendez, le 20 mars 2025, à Los Angeles. © Damian Dovarganes, AP

 

Une bataille judiciaire

Aujourd'hui, l'affaire tourne en une nouvelle bataille judiciaire. Candidat à sa réélection, George Gascon a été battu lors des élections de novembre dernier par l'ancien procureur fédéral Nathan Hochman. Or celui-ci ne s'est pas privé d'aller à contre-courant de son prédécesseur. "Si vous jugez cette affaire en vous appuyant uniquement sur le visionnage d’un documentaire Netflix, vous rendez un mauvais service aux frères Menendez, aux membres de la famille des victimes et au public", a-t-il ironisé.

Dans un document de plus de 80 pages publié en mars, Nathan Hochman a fait part de son refus catégorique de voir Lyle et Erik Menendez sortir de prison, estimant qu'ils "n'ont pas fait la lumière sur leurs crimes" et n'ont pas reconnu tous les mensonges proférés pendant l'enquête. La décision finale reviendra donc au juge Michael Jesic, à l'issue d'une audience qui doit durer deux jours.

En parallèle, les deux frères ont déposé une demande de grâce auprès du gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newson. "Il n’y a aucune garantie de résultat. Mon bureau étudie des dizaines et des dizaines de ces demandes", a-t-il averti. Le comportement des frères en détention sera examiné pour déterminer s’ils ont été "réhabilités et s’ils représentent toujours un danger pour la société". Le gouverneur devrait rendre sa décision au mois de juin par la commission des libérations conditionnelles de Californie.

 

Dans un entretien avec la chaîne de télévision TMZ, diffusé le 7 avril, les frères Menendez ne cachaient ainsi pas leur espoir. "Avoir foi dans l’avenir est vraiment quelque chose de nouveau pour nous", expliquait Lyle Menendez. "Les gens ont fini par comprendre le traumatisme qu’Erik et moi avons subi", a-t-il salué.

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